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des effets aussi saisissans, parfois spirituels, et toujours d’une véritable originalité. À ce titre, et par ce côté même, il nous semble qu’il appartient tout autant au barreau moderne, car c’est par la vivacité de ses saillies et sa brusquerie gauloise qu’il a fait tomber au palais le style un peu prétentieux et trop continuellement tendu de la méthode parlementaire.

Tel a été M. Dupin comme avocat ; nous n’avons point à parler ici du magistrat, encore moins de l’homme politique et de ses doctrines ; il nous plaît de n’avoir point à nous arrêter à des distinctions que certains esprits pourraient trouver tout au moins singulières entre le citoyen et le magistrat, entre le magistrat et l’homme politique. Il est des choses qu’on ne discute pas. M. Dupin tient à démontrer qu’il n’a jamais été d’aucun parti. Nous n’avons pas à le contredire sur ce point et à rechercher ce que cela signifie. Nous pensons comme lui que « le temps est un galant homme, et qu’il finit par dire la vérité à tout le monde. » Nous ne voulons envisager que l’avocat, et à cet égard il est permis d’affirmer que M. Dupin a exercé une incontestable influence sur la plaidoirie moderne et grandement contribué à l’éclat du barreau. Que restera-t-il de ses travaux ? Il y a chez lui une large part à faire à la personnalité. Que voulait-il avant tout dans des temps où la presse donnait plus de secours à la parole ? Frapper l’imagination du plus grand nombre et arriver, s’il était possible, jusqu’aux derniers rangs de la foule, sans dédaigner le profanum vulgus. Pour cela, il avait de ces traits osés, piquans, qui se saisissent vite et dispensent le lecteur ou l’auditeur d’en demander plus long, espèce de monnaie courante d’un placement toujours facile et très recherchée dans le monde. N’a pas qui veut cet esprit vulgarisateur et emporte-pièce. M. Dupin a lancé des mots qui ont fait le tour de l’Europe : aussi y tient-il beaucoup. Ceux que lui a inspirés la présidence du corps législatif sous le gouvernement républicain ont été classés dans un petit recueil avec notes et commentaires. À qui voit là une manie et la lui reproche, il répond que Cicéron en a fait autant, que son affranchi Tiron devint l’éditeur de ses bons mots et calembours, et qu’il peut bien éditer les siens lui-même. Mais ce qui a distingué aussi l’avocat, c’est une grande clarté en toute chose, une certaine manière d’aller à la raison et à l’esprit sans effort et sans fracas, par le chemin le plus court et le plus naturel ; c’est une certaine éloquence des affaires, qui est devenue comme le cachet de la plaidoirie moderne et qui était inconnue de l’ancien barreau ; c’est enfin un rare bon sens qui a banni du palais les hors-d’œuvre et toutes les banalités verbeuses d’autrefois. Voilà en quoi M. Dupin a fait école et mérite d’être placé au nombre des réformateurs du style judiciaire. Dans ce talent néanmoins on a signalé des côtés faibles et comme