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aux ryots pour une récolte à venir, parce que rien ne lui assure qu’il verra jamais les marchandises sur lesquelles il a fait des avances. Tous ces griefs ont été reproduits avec une très grande force dans un mémoire présenté, il y a deux mois, à lord Palmerston par la chambre de commerce de Manchester.

Un récent discours de M. Bright a soulevé également cette question des ressources de l’Inde considérée comme productrice de coton. Jusqu’en 1814, le commerce avec l’Inde était un monopole de la célèbre compagnie. En 1814, la quantité de coton de l’Inde reçu en Angleterre s’élevait seulement à 17,000 balles. Dans les trois années suivantes, sans doute à cause de l’augmentation des prix, la quantité de coton de l’Inde reçu en Angleterre atteignait 551,000 balles, tandis que dans les mêmes années les États-Unis n’en envoyaient pas plus de 610,000. À partir de ce moment, l’importation du coton de l’Inde diminua à mesure que celle du coton d’Amérique augmentait. M. Bright rappelle qu’en 1847 il demanda et obtint qu’un comité fût chargé d’étudier la question de l’approvisionnement du coton de l’Inde. Le comité reconnut que « dans tous les districts de Madras et de Bombay où l’on cultivait le coton, et généralement dans les régions agricoles, le peuple était misérable. » M. Bright attribue ces tristes résultats au mauvais gouvernement de la compagnie ; il soutient que, si des mesures libérales avaient été adoptées en temps utile, le spectacle offert par les districts du Lancashire ne se serait pas présenté, et que les usines auraient eu assez de coton pour se maintenir en pleine activité.

On en est aujourd’hui à se demander comment les manufacturiers du Lancashire ont pu se rendre dépendans d’un seul pays producteur de coton. La raison en est simple : les manufacturiers et les filateurs ont fait ce qui se fait toujours ; ils se sont adressés là où ils pouvaient avoir le meilleur article et au plus bas prix possible. Il est une chose avérée : c’est que dans les temps de paix l’Amérique produisait le coton à meilleur marché et de meilleure qualité que toute autre région. On ne peut donc blâmer les filateurs de n’avoir pas cherché dans d’autres parties du globe ce qu’ils trouvaient en Amérique dans de si bonnes conditions. Ils se procuraient leur coton à Liverpool sans trop s’inquiéter d’où il venait.

Des opinions bien diverses se produisent chaque jour sur la culture du coton dans l’Inde. Il faut se défendre ici des espérances chimériques comme des doutes exagérés. Ce qui est certain, c’est que les ryots ne connaîtront que tardivement l’élévation des prix du coton ; mais, une fois assurés de voir leur travail amplement rémunéré, ils n’épargneront point leurs efforts. Pour le moment, ils ignorent l’état réel des choses, que leur cachent les marchands indigènes