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Si nous rentrons dans la voie des crédits supplémentaires, et des accroissemens de découvert dès la première année de la réforme financière, si cette année nous apporte en cadeau d’étrennes 35 millions de crédits supplémentaires et l’addition au découvert d’une égale somme, il faut le mettre au compte de l’expédition du Mexique. Ceci posé à la décharge du ministre des finances, on peut donner crédit à M. Fould de la prudence des règles qu’il a introduites dans la confection de nos budgets et faire des vœux pour que ses espérances dans l’avenir ne soient point démenties par l’imprévu.

Quant au fond de cette fâcheuse affaire du Mexique, il nous répugne d’y revenir. Sans doute, au point où les choses ont été conduites, il est nécessaire que rien ne soit négligé pour que nos soldats soient protégés contre la maladie et contre l’ennemi, et pour que la France se tire à son honneur de cette entreprise. Les accidens qui nous ont obligés à donner un développement si considérable et si coûteux à notre expédition ne peuvent point être imputés au hasard : ils accusent les fautes commises dans la première conception et dans la direction de cette affaire. C’est surtout lorsque l’on engage la France à deux mille lieues de ses rivages que rien ne doit être livré au hasard, et qu’on ne peut trouver une excuse dans l’imprévu. La netteté de la pensée a fait défaut au début de l’expédition : on indiquait des velléités plutôt que des volontés. Ces velléités mêmes étaient incompatibles avec les alliances sur lesquelles on comptait. Si l’on voulait faire une chose qui nous paraît inconciliable, nous ne disons pas seulement avec les intérêts, mais avec les traditions et les principes de la France, si l’on voulait renverser le gouvernement mexicain, accomplir une révolution, substituer un régime politique à un autre, mieux eût valu tenter seul cette entreprise et ne pas la compromettre en y associant deux états étrangers, l’Angleterre et l’Espagne : le plus simple bon sens disait assez que ni l’une ni l’autre ne pouvaient jusqu’au bout avoir des intérêts identiques aux nôtres et partager notre dessein. On a vu en effet comment s’est évanoui à Orizaba le rêve que le général Prim avait caressé à Vichy. Si l’on avait eu une résolution décidée, un but clair, il est évident que les moyens auraient dû dès le principe être proportionnés au but, et qu’il ne fallait pas laisser une poignée de Français exposés, avec des ressources insuffisantes, à des périls inconnus et à des souffrances trop certaines. Au général Concha, qui lui reprochait de n’avoir pas marché sur Mexico, le général Prim a répondu en rappelant une plaisante anecdote. Il y eut grand émoi à la cour de Madrid à la nouvelle de la révolution de juillet, et Ferdinand VII, pour se rassurer, convoqua un conseil de guerre. On y fit assaut de fanfaronnades. Je ne sais plus quel général matamore dit au roi : « Donnez-moi votre garde royale, et je vous réponds d’aller étouffer la révolution à Paris même ! — Et toi, dit le roi, se tournant vers le vieux général Castaños, tu ne dis rien ? — Moi, répliqua le caustique vétéran, je n’en demande pas tant : pour aller à Paris, je n’ai besoin que d’une dili-