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au théâtre de l’Opéra-Comique : on y a célébré la millième représentation de la Dame blanche devant une nombreuse assemblée. Après le premier acte de Jean de Paris, qu’on jouait le même soir, le rideau se leva, et l’on vit tous les artistes qui devaient contribuer à l’exécution du chef-d’œuvre rangés autour du buste de Boïeldieu et chantant le chœur de la Dame blanche, — Chantez, joyeux ménestrels. — Sur cinq bannières que portaient des choristes, on avait inscrit les titres des ouvrages du maître avec la date de la représentation. Après le chœur, M. Achard a récité une pièce de vers que M. Méry avait écrite pour la circonstance, puis il a posé une couronne sur le buste de Boïeldieu, et la cérémonie s’est terminée par la reprise du chœur de la Dame blanche. Cet hommage rendu à la mémoire du plus charmant des compositeurs français fait honneur à l’administration qui en a eu l’idée. La Dame blanche, qui fut représentée pour la première fois le 25 décembre 1825, est une œuvre qui marque un nouveau développement dans le genre si national de l’opéra-comique. S’il est bien prouvé que l’opéra bouffe italien a donné naissance à l’opéra-comique français, cette alliance féconde entre l’esprit, le goût et l’art des deux nations latines n’a cessé d’exister depuis Pergolèse jusqu’à Rossini. Après Grétry, qui ferme le XVIIIe siècle, le compositeur le plus vrai et le plus original dans le genre exclusif de l’opéra-comique, c’est Boïeldieu, car Méhul et Cherubini, qui sont de bien plus grands musiciens, ont touché à des régions plus élevées par l’accent dramatique et le style noble qui distinguent leurs ouvrages. C’est Boïeldieu qui continue la tradition du genre mixte de l’opéra-comique, d’abord sous l’influence de Cimarosa et de Mozart, et puis sous celle de Rossini. Contemporain de Dalayrac, de Nicolo, de Berton et de beaucoup d’autres musiciens aimables, Boïeldieu les domine par la grâce et la morbidesse de ses chants, par l’intelligence qu’il a des situations dramatiques, par la vérité de ses peintures et par la fécondité de sa veine, car il a beaucoup écrit. La Dame blanche n’est pas seulement le chef-d’œuvre de Boïeldieu, c’est le modèle du véritable opéra-comique, ce mélange ingénieux de sentiment et d’esprit, de gaîté et de tendresse, de vérité et d’aimable fiction. L’ouvrage est parfait dans son cadre.

Les concerts populaires de musique classique, dont nous avons entretenu si souvent les lecteurs de la Revue, sont plus suivis et plus brillans cette année que l’année précédente, où ils ont été fondés. L’orchestre que dirige M. Pasdeloup a fait des progrès sensibles dans l’exécution des chefs-d’œuvre de la musique instrumentale, surtout les violons et les instrumens à cordes en général. Les instrumens à vent laissent parfois désirer plus d’éclat, car ils ne sont évidemment pas assez nombreux pour une si grande masse d’instrumens à cordes. Les programmes de ces belles séances sont en général composés avec goût et suffisamment variés. Peut-être pourrait-on reprocher à M. Pasdeloup de faire exécuter trop souvent des fragmens de quatuor, de quintette par tous les instrumens à cordes, et de trop compter sur l’effet de ces tours de force. Bien que la société du Conservatoire ait donné