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seulement des ruines, n’en a pas moins laissé de graves enseignemens, dont auraient dû se pénétrer pour leur salut les principaux acteurs du drame joué alors à l’église de Saint-Paul : le gouvernement de Prusse, celui d’Autriche, aussi bien que la nation germanique ; mais de toutes les acquisitions de l’homme, hélas ! l’expérience est en même temps la plus coûteuse et la plus improductive, et ce n’est qu’en rhétorique que l’histoire figure comme la grande maîtresse de la vie. Nous avons vu à quel point le gouvernement de Prusse avait pris son rôle au rebours jusqu’à l’avènement de la régence, comment, au lieu de développer à l’intérieur les institutions représentatives, de devenir par la liberté un foyer d’attraction, pour les peuples de l’Allemagne ; il s’était obstiné à remonter le cours des temps et à s’aliéner toutes les sympathies. Quant à l’Autriche, elle est encore aujourd’hui à ignorer la leçon, bien manifeste cependant, qui ressortait pour elle de l’ébranlement de 1848. L’impossibilité pour l’empire des Habsbourg d’unir ses destinées à tout essai d’une Allemagne régénérée (impossibilité démontrée jusqu’à la dernière évidence au parlement de Francfort et plus tard au congrès de Dresde), la tendance invincible de ses provinces italiennes à se soustraire à son joug, l’attachement inébranlable des Magyars à leur antique autonomie, l’appui dévoué et efficace qu’avait trouvé le trône impérial auprès des populations slaves si abandonnées jusqu’alors, les dangers immenses qu’avait apportés avec elle l’intervention russe, aussi bien que l’affaiblissement chaque jour croissant de la Turquie, dont la succession ne peut tarder à s’ouvrir, — tout cela aurait dû, ce semble, éclairer l’Autriche sur ses véritables intérêts et lui indiquer une nouvelle voie vers l’avenir aussi méritoire que glorieuse. En effet, tant que l’Autriche s’obstinera dans les traditions et les erremens du saint-empire romain, d’une monarchie presque universelle, tant qu’elle voudra exercer sa domination à la fois en Allemagne, au-delà des Alpes et sur les bords du Danube, et constituer au sein de l’Europe un « empire du milieu » (europaeisches mittelreich), selon la définition passablement chinoise de M. de Metternich, il n’y aura pour elle ni progrès possible ni prospérité véritable, et ses essais mêmes de vie parlementaire ne tromperont à cet égard que ceux qui veulent être trompés à tout prix. Ce n’est qu’en cessant d’être un obstacle à la renaissance de l’Italie et de l’Allemagne, en contribuant aussi à la restauration d’un peuple qui lui avait rendu autrefois des services signalés et au partage duquel elle n’avait aidé qu’à contre-cœur, que la monarchie des Habsbourg pourra se vouer sérieusement à la mission qui lui est évidemment tracée par la Providence, la tâche d’élever les peuples du Danube à la civilisation et à la liberté. Ces populations magyares,