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semblait avoir devant les yeux le type d’une de ces gracieuses figures si finement dessinées que les artistes hindous aiment à peindre sur le vélin de leurs manuscrits. Les lueurs incertaines de la lampe donnaient à la couleur mate des joues de miss Nella comme des reflets d’or bruni, et les petites perles qu’elle portait à ses pendans d’oreilles ne lançaient pas un éclat plus vif que ses noires prunelles. Un peu gênée elle-même de se trouver là, dans cet étroit espace, devant un inconnu dont elle n’avait fait qu’entendre la voix à travers la porte du salon, Nella demeura silencieuse pendant quelques instans. Peut-être aussi le visage distingué, la taille noble et élégante, l’œil bleu doucement sévère de sir Edgar, lui inspiraient-ils un peu de crainte. Le capitaine Mackinson s’aperçut bien que ces deux jeunes gens, nés et élevés sous des climats si différens, cherchaient à s’étudier et ne se comprenaient pas. Il n’eut pas de peine non plus à s’expliquer l’embarras de sir Edgar lorsque celui-ci l’avait entendu nommer Nella sa fille. Quoiqu’il lui en coûtât de raconter les détails de sa vie passée, il fallait qu’il en fît connaître à son jeune ami les principaux épisodes. S’adressant donc d’abord à sa fille : — Chère Nella, lui dit-il, tu as été un peu hardie de venir nous rejoindre en pleine nuit.

— Mais, mon père, répondit-elle, vous m’aviez oubliée, et j’ai cru vous faire plaisir en vous montrant que je pense toujours à vous…

— Très bien, Nella, reprit le capitaine, tu seras de la partie, puisque tu l’as voulu… D’ailleurs je t’ai un peu habituée à faire tes volontés… Ah ! sir Edgar, les pères sont toujours faibles… Cette enfant est mon unique consolation ; sans elle, je serais seul au monde… Le capitaine poussa un soupir et ajouta : — Ma chère Nella, il est tard, bien tard ; retire-toi dans ta cabine et va prendre du repos…

Nella obéit ; après qu’elle eut affectueusement pressé la main de son père, sir Edgar lui fit un profond salut auquel elle répondit en inclinant doucement la tête.

— Maintenant montons sur le pont, reprit le capitaine Mackinson, et causons. Vous voyez comme l’air est doux ! Les habitans de l’Inde, ces enfans gâtés du soleil, ont nommé l’hiver cette saison délicieuse où les matinées sont fraîches, les journées chaudes et les soirées tièdes…

— Nos étés pluvieux ne valent pas ce mois de décembre, répliqua sir Edgar ; le ciel est d’une profondeur merveilleuse. Des millions d’étoiles scintillent comme autant de perles suspendues à la voûte du firmament, et voici que la lune, brillante comme un miroir d’acier, semble se pencher au-dessus des montagnes pour contempler son image dans la transparence des flots.

— Eh bien ! sir Edgar, il y a dans ces climats choisis un charme