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d’indépendance actuelle. Les propriétaires des usines à fer semblent seuls désirer le tarif ; mais une preuve que ces usines n’en ont pas besoin, c’est qu’elles se sont élevées sans ce secours, et que leur nombre devient tous les jours plus considérable. » Les syndics terminaient en invoquant le souvenir du duc Léopold, si justement populaire. « Le duc Léopold, en rentrant dans ses états, y trouva les mœurs, l’agriculture, la population et le commerce ruinés par les malheurs que les deux duchés venaient d’essuyer. Son génie réparateur ressuscita d’abord les mœurs par la sagesse de ses lois. Il prodigua des encouragemens à l’agriculture, Sous un règne aussi modéré, la population s’accrut, et l’on sait avec quel empressement les étrangers accoururent dans notre pays, où ils étaient attirés par la douceur du gouvernement. Les regards du prince se portèrent bientôt sur le commerce, qui devait vivifier la nation. Le commerce étranger ne lui parut pas un obstacle à ses desseins et il dédaigna le système timide des prohibitions. Cette prospérité commande beaucoup de circonspection dans les lois nouvelles : il ne faut pas faire d’expérience d’anatomie sur les corps vivans. »

Les avantagés attachés à cette liberté de commerce étaient fort atténués par ce qu’on appelait les droits de traite foraine, perçus au profit du roi entre la province de Lorraine et celle des Trois-Évêchés. Les syndics proposaient de s’entendre avec l’assemblée provinciale de Metz pour racheter en commun ces droits, qui, bien que très modiques, gênaient beaucoup le commerce à cause des nombreuses enclaves que les deux provinces avaient l’une dans l’autre. La délibération qui fut prise à la presque unanimité se terminait ainsi : « L’assemblée déclare qu’elle regarde le projet de reculement des barrières comme désastreux pour la Lorraine et le Barrois, contraire à leurs privilèges, nuisible à leur agriculture, destructif de leur commerce, et en particulier de celui d’entrepôt, sans qu’il en résulte pour le gouvernement aucun avantage réel. » A la suite de cette délibération, il en fut pris une seconde portant que la commission intermédiaire se concerterait avec celle de Metz pour examiner dans quelle proportion chacune des deux provinces devrait contribuer au rachat de la traite foraine.

À voir les termes évidemment exagérés de la délibération, on devine qu’il s’y glissait autre chose que la question du moment. L’application du nouveau tarif pouvait être plus ou moins avantageuse à la province, mais à coup sûr elle ne pouvait avoir pour effet de nuire à son agriculture et de détruire son commerce. Ce qui le prouve, c’est que la Lorraine, soumise plus tard, avec toute la France, à un tarif beaucoup plus restrictif, à néanmoins doublé sa richesse ; mais elle craignait, et non sans raison, de se laisser absorber dans le