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insuffisans, et qu’il valait mieux, y substituer une digue continue de Huningue à Strasbourg. On estimait qu’une somme annuelle de 130,000 livres devait suffire pour terminer avec le temps ce grand travail ; la province contribuait déjà pour 30,000 livres par an à ce qu’on appelait les épis du Rhin, on proposait de s’imposer volontairement 100,000 livres en sus. Le mémoire du jeune officier fut inséré par acclamation au procès-verbal Le nom de la principale promenade de Strasbourg, le Broglie, prouve que l’auteur n’était pas le premier de sa famille qui s’occupât des travaux publics de cette province.

Si les protestans commençaient à jouir de tous leurs droits civils et même politiques, les juifs, plus nombreux en Alsace qu’ailleurs, restaient encore en dehors des lois. Dans son discours de clôture, le bailli de Flachslanden dit sur eux quelques mots bien méritoires de la part d’un membre du clergé : « Une société d’hommes que sa religion et ses préjugés rendent étrangère partout excitera votre attention. Le contrat que vous avez fait avec eux, l’humanité, vous ordonnent de les protéger. Il devient nécessaire d’implorer de la sagesse du gouvernement une loi qui, en les rendant plus citoyens, les force à adopter un genre de vie plus analogue à la société et moins oppressif pour les peuples dont ils préparent la ruine sans être plus heureux, puisque le plus grand nombre est réduit à l’indigence. » On sait que l’assemblée constituante elle-même recula d’abord devant les préjugés ; les juifs ne furent assimilés qu’en 1791 aux autres citoyens.

À tout instant, dans les procès-verbaux, on voit percer une assez vive irritation contre les princes étrangers possesseurs de terres en Alsace. L’assemblée provinciale les eût certainement contraints à acquitter leur part des charges publiques, et peut-être même à vendre leurs domaines. La révolution a voulu les en dépouiller sans indemnité, et il en est résulté la guerre de 1792, qui a coûté à la France en général et à l’Alsace en particulier cent fois plus que la valeur des possessions confisquées. La vente des biens du clergé et des émigrés a produit en Alsace une révolution dans la propriété qui n’a eu d’égale dans aucune autre partie de la France ; mais l’agriculture alsacienne et la population rurale ne s’en sont pas très bien trouvées. Nulle part le fléau du morcellement n’est poussé si loin. La conservation d’un certain nombre de grands domaines eût contenu cet émiettement, qui donne aujourd’hui de si vives inquiétudes. Ces ventes forcées n’ont pas créé en Alsace la petite propriété, puis qu’elle s’étendait déjà sur une moitié du sol ; elles n’ont fait que la généraliser et la pousser à l’excès.

En 1789, le bailli de Flachslanden fut nommé député aux