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droits des hommes dérivent de la nature seule et sont indépendant de leurs conventions. »

Voilà ce que ne craignaient pas de signer avec le tiers-état et le clergé deux cents gentilshommes des premières familles de la province. Les trois ordres du Dauphiné étaient strictement dans leur droit, mais ils auraient pu qualifier avec moins de virulence les édits intempestifs suggérés au bon et faible Louis XVI. Mounier avait beaucoup étudié l’histoire politique de l’Angleterre ; en l’étudiant mieux encore, il aurait vu qu’on pouvait résister efficacement aux actes arbitraires tout en respectant le pouvoir royal. Il venait de porter un coup fatal au trône ; ce qui l’excuse et le justifie, c’est qu’il était loin de s’en douter. On ne savait pas encore, au mois de juillet 1788, jusqu’à quel point la France détestait l’ancien régime, et on ne pouvait soupçonner qu’il y eût à craindre un autre ennemi que le despotisme. En reportant à leur date les déclarations de Vizille, en les plaçant en face d’un gouvernement encore entouré du prestige de la toute-puissance, on leur donne leur véritable sens ; chacun des signataires croyait exposer sa personne aux vengeances d’un pouvoir sans limites.

Avant de se séparer, l’assemblée déclara qu’elle se considérait en permanence jusqu’au moment où ses vœux seraient remplis, et s’ajourna au 1er septembre suivant. Des remercîmens furent votés à M. Perier, seigneur du marquisat de Vizille, pour l’accueil qu’il avait fait à ses concitoyens, et les trois ordres se promirent solennellement un accord inaltérable. Le procès-verbal de l’assemblée de Vizille fut imprimé et répandu dans toute la France, où il excita un enthousiasme universel. Le ministère se sentit vaincu ; afin de tourner la difficulté, il convoqua lui-même une nouvelle assemblée, qu’il composa de 180 membres, en lui donnant pouvoir de délibérer sur la constitution définitive des états du Dauphiné. Cette concession n’obtint qu’un refus dédaigneux de la part de la noblesse, réunie à Grenoble sous la présidence du comte de Morges. M. de Brienne voulut alors employer la force ; il avait donné l’ordre de faire arrêter Mounier et le comte de Morges, quand il fut lui-même renversé et remplacé par Necker. Le nouveau ministre essaya de calmer les provinces soulevées. En même temps qu’il révoquait les malencontreux édits et fixait au mois de mai 1789 la réunion des états-généraux, il fit autoriser par le roi l’assemblée des trois ordres du Dauphiné, qui devait se tenir en vertu des délibérations de Vizille, et désigna pour la présider l’archevêque de Vienne, qui avait déjà présidé l’assemblée provinciale. La victoire du Dauphiné était complète.

Cette seconde réunion se tint à Romans le 10 septembre, dans