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l’église établie résiste énergiquement. Relativement tolérante pour les schismes nés dans son sein et les mille variétés de la communion protestante, elle ne s’accoutume pas à l’idée qu’on admette au même litre et traite sur le même pied les religions hostiles à la réforme. Les passions qui ont éclaté à propos du collège catholique de Maynooth n’ont pas désarmé, et chaque année la chambre des communes entend les plaintes qui s’exhalent à propos des subsides accordés à un établissement ennemi. C’est comme un parti-pris de ne plus faire un pas dans cette voie, de s’abstenir de tout acte qui serait de nature à affaiblir les incompatibilités et à rapprocher les distances. Que chaque culte ait ses écoles et les défraie, cela est de droit dans un pays de liberté ; mais entre ce droit et le projet de les confondre dans une protection commune, il y a un abîme que le clergé est résolu à ne pas franchir. La perspective d’une religion anonyme lui répugne profondément ; il ne veut pas que cet objet principal de l’éducation s’efface dans un compromis et une promiscuité inséparables de la tiédeur. Les ministres de la confession dominante sont très entiers à ce sujet. « On peut faire le rêve, dit un de ces ministres, M. Fraser, d’une plate-forme religieuse où toutes les croyances viendraient se rencontrer, d’un système d’éducation où, ne s’attachant qu’au fond des choses, on mettrait en oubli les différences pour aboutir aux grands principes sur lesquels l’accord s’établit parmi les hommes de bien. Ce sont des tableaux de fantaisie où l’imagination a pleine carrière. Lorsqu’on en reviendra aux réalités, il sera aisé de reconnaître qu’en ne distinguant pas les rouages on a affaibli le mécanisme. Il ne faut pas perdre de vue, en traitant ce sujet, par quelles mains l’œuvre est conduite, quels sont les hommes qui lui donnent la vie et le mouvement. Ce ne sont ni les philosophes de cabinet, ni les orateurs de tribune ; ce sont des milliers de ministres de la religion, orthodoxes ou dissidens, hommes, si l’on veut, à vues étroites et incapables peut-être d’en avoir de plus larges, mais animés d’une incontestable ardeur, disposés à sacrifier librement et sans calcul leur argent, leur temps, leur santé, pour un objet qui n’a de valeur à leurs yeux que par ses conséquences religieuses. Écartez, tempérez ce motif dominant, et la charpente de votre éducation s’écroule. Ne croyez pas qu’une création meilleure succéderait à cette destruction, qu’un monde plus beau sortirait des eaux de ce déluge. Le système actuel une fois renversé, je ne sais pas où je trouverais, dans les quatre cent neuf paroisses de mon district, des élémens de reconstitution, lorsque les ministres auront cessé de regarder cette tâche comme une branche distincte de leurs devoirs pastoraux. Voilà ce que je pense d’un système d’éducation purement séculier. »