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envers les parens ? » Sur ces mots, trente mains se lèvent ; tous veulent répondre. L’inspecteur désigne l’un des enfans, qui, d’un air animé, débite ces paroles : l’Exode, vingtième chapitre, douzième verset ; honore ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent sur la terre que le Seigneur te donnera. » Les trente autres élèves en eussent dit autant ; mais parmi eux il n’en était aucun qui sentît en quoi et comment le texte sacré pouvait les toucher, et à qui il vînt à la pensée que cette terre promise pouvait s’appeler le Middlesex ou le Surrey, comme aussi que les parens à honorer, avec la longévité pour récompense, pussent être leurs propres parens. En vain l’inspecteur essaya-t-il de suggérer cette impression ; il ne fut pas compris de l’instituteur lui-même. L’usage de ces commentaires familiers n’est pas établi, et ce serait s’exposer au blâme que de manquer aux usages. C’est ce qui arriva à M. Langton, qui tenait une des meilleures écoles des faubourgs de Londres. Il avait compris les vices de cet enseignement dogmatique qui exerce la mémoire plus que le jugement et meuble la tête des enfans de mots plutôt que d’idées. Sa méthode était tout opposée. Il choisissait des sujets appropriés à l’âge et à l’intelligence de ses élèves, et au lieu de les renfermer dans des phrases convenues, il leur laissait la liberté de discourir. Un jour, devant le comité d’examen, il voulut donner un exemple public de sa méthode, et commençait à interroger les enfans de sa classe sur la tempérance, la frugalité, l’honnêteté, en leur indiquant seulement d’appuyer leurs propres idées sur quelques textes, comme, les proverbes de Salomon, lorsqu’il fut brusquement interrompu par un membre du comité, qui ramena l’interrogatoire dans des voies plus conformes à la tradition scolaire. « Quelles sont les prophéties de l’Ancien Testament qui se sont accomplies dans le Nouveau ? » demanda-t-il à l’élève, et ainsi du reste. Tel fut le seul, compliment que M. Langton recueillit de ses hardiesses.

Ni les préjugés, ni les routines ne manquent donc aux écoles anglaises, et le comité du conseil privé n’a pas su mieux s’en défendre que les comités paroissiaux. Pour relever son plan d’études, il a renchéri sur les obscurités et les insignifiances dont fourmillent tous les plans d’études connus ; il a fait ce qu’on fait partout, de la pédagogie en excès. Il n’en pouvait être autrement : sous peine d’échec, il fallait au début se conformer aux modèles existans ; mais, au milieu de ces embarras et de ces erreurs de conduite, on n’en voit pas moins une puissance qui se constitue : elle a son siège dans le gouvernement, son corps d’inspecteurs, ses écoles normales, ses programmes, elle a surtout sa caisse, devant laquelle plus d’un établissement rebelle a déjà plié le genou. Contestée dans son titre, entravée dans ses actes, cette puissance nouvelle se fait humble