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résidu. C’est cette clientèle que le conseil privé ne doit pas perdre et ne perd pas de vue. Seulement il demande aux localités un premier effort et ne leur accorde de fonds qu’à cette condition. Rien de plus sensé comme mesure générale ; c’est un moyen d’écarter les demandes abusives et de réduire les chances de déception. Il est arrivé pourtant que ces règles destinées à prévenir l’abus ont empêché le bon usage et lié le comité au point de lui interdire des actes dont tous ses membres comprenaient et confessaient l’utilité. Il ne s’en est tiré qu’en se déjugeant ; cela notamment a eu lieu dans deux circonstances qui méritent une mention. La difficulté ne s’élevait pas dans des paroisses obscures, où il fût loisible de l’étouffer. C’était à Devonport, annexe de Plymouth, et dans l’un des quartiers de Londres, Charterhouse. Sur le premier de ces points, l’amirauté verse des sommes considérables pour l’entretien et le stationnement des flottes ; le second fait partie d’un centre d’opulence qui a peu d’égaux dans le monde. Tous deux étaient néanmoins le siège de telles misères qu’ils ne pouvaient pas fournir au comité ce premier témoignage de bonne volonté qu’il exige comme condition de son assistance. Voici les empêchemens qui se présentaient.

À Devonport, les faits se sont passés dans la paroisse de Saint-Étienne ; le recteur les raconte à l’appui d’une demande de secours. La paroisse de Saint-Étienne se compose de 309 maisons occupées par 3,055 habitans. Ces maisons sont littéralement entassées les unes sur les autres et forment un grand carré dans lequel de petites cours laissent quelques espaces libres. De ces maisons, à peine en citerait-on 18 occupées par un seul ménage. Une douzaine d’autres appartiennent soit à des domestiques retirés du service, soit à des ouvriers des. docks qui en approprient les pièces les plus convenables et les offrent en location aux officiers des armées de mer et de terre que leurs fonctions obligent à une résidence temporaire. Toutes les autres maisons ont un locataire principal, boutiquier ou artisan, qui, après s’être réservé une ou deux pièces, sous-loue les autres, chambre par chambre, quelquefois cabinet par cabinet. On peut juger de ce que doit être cet amalgame sédentaire ou nomade par un seul fait : c’est que sur les 300 maisons de la paroisse il y en a 15 qui sont des maisons de prostitution et 24 des débits de bière ou de genièvre. Les personnes marquantes se réduisent à cinq : l’aide-de-camp d’un général, un agent de compagnie, des veuves d’hommes de loi, de constructeurs, et de marchands ; le reste se compose de gens de métier. S’il en est ainsi à Devonport, c’est l’amirauté qui en est en partie cause. Comme elle occupe toute la surface des quais et la portion des terrains que le voisinage de la mer eût rendus propres au commerce et à l’industrie, il n’est resté à la