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trouve ; vous me la rendriez désagréable en venant partager les opprobres dont mes confrères ont cherché à me couvrir. Laissez arriver un temps plus heureux ; la vérité, tôt ou tard, se fera jour, et alors mon plus grand plaisir sera de vous revoir. » Tel était encore Joseph Le Bon vers la fin de l’année 1790. Après sa sortie de l’Oratoire, il passa près d’une année chez le père de deux de ses élèves, à Ciel, entre Beaune et Chalon-sur-Saône.

La révolution cependant suivait son cours. Déjà maîtresse de l’état, où le trône n’était plus qu’une décoration destinée à disparaître bientôt, elle venait de s’introduire aussi dans l’église, que la constitution civile du clergé avait livrée à l’anarchie. L’épiscopat presque, tout entier et l’immense majorité du clergé inférieur s’étant refusés à prêter le serment demandé, et les emplois devenus ainsi vacans ayant été soumis à l’élection populaire, ceux des ecclésiastiques que leurs passions, leurs opinions ou leur ambition ralliaient au régime nouveau virent s’ouvrir devant eux des perspectives inattendues. des curés, de simples prêtres, recommandés seulement par le rôle qu’ils avaient joué dans les clubs, furent soudainement appelés à la dignité d’évêque. Le Bon était trop jeune et trop peu connu pour qu’on pût penser à lui conférer une position aussi élevée ; mais, tandis que le corps municipal de Châlon lui faisait demander d’aller y prêcher le carême, on lui offrit presque simultanément un vicariat à Dijon, la cure de Neuville-Vitasse auprès d’Arras, son pays natal, et celle du Vernoi près de Beaune. Il opta pour cette dernière. La Bourgogne, où il vivait depuis si longtemps, était devenue pour lui une seconde patrie qu’il préférait même au pays où il était né et qu’habitait sa famille.

À peine installé au Vernoi, un événement étrange vint l’en arracher. Sa mère, femme simple et pieuse, en apprenant qu’il s’était décidé à prêter serment à la constitution civile et qu’il faisait partie du clergé schismatique, devint folle de douleur ; il fallut l’enfermer. Son père, déjà âgé, se trouvait ainsi réduit au plus triste abandon, et sa tête était assez affaiblie pour qu’on ne pût désormais penser à le laisser à lui-même. Pour se rapprocher de lui et se mettre en mesure de lui donner les soins que réclamait sa vieillesse, Joseph Le Bon se décida à échanger la cure du Vernoi contre celle de Neuville-Vitasse, qu’il avait d’abord refusée. C’était pour lui un grand sacrifice, attaché comme il l’était à la Bourgogne. Il en informa la société des Amis de la constitution, autrement dite des Jacobins, de Beaune, à laquelle il était affilié, par une lettre datée du 25 juillet 1791, an III de la liberté, dont le style et la forme montrent quel chemin il avait parcouru depuis un an.

« Ma mère est enfermée, y dit-il, et tout ce désordre est l’ouvrage des