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au repos. Cependant la distribution de l’or dans les divers terrains continua à être modifiée par les agens du nouveau régime. L’atmosphère désagrégeait les roches, les eaux rongeaient le sol, emmenaient le sable et laissaient l’or, qui, sous cette action incessante, se concentrait dans les lignes d’écoulement des eaux. Ce travail de lavage, qui formait ainsi les alluvions aurifères contemporaines, presque insignifiant lorsqu’il s’attaquait aux roches dures qui enserraient l’or dans son gîte primitif, devenait extrêmement énergique lorsqu’il agissait sur les terrains diluviens anciens. Il se produisait alors un véritable lavage de minerais broyés à l’avance. lavage qui, prolongé durant Ta série des siècles, accumula dans le lit des rivières ces prodigieuses richesses que la Californie put tout d’un coup jeter dans la circulation.

L’or existait ainsi dans trois sortes de gisemens bien distincts au point de vue des difficultés qu’ils réservaient à leurs futurs exploitans. les uns, les gîtes primitifs, tenaient l’or resserré dans des roches dures et tenaces, qu’un long labeur devait excaver, broyer et pulvériser, puis laver avec soin, pour en extraire les fines parcelles du précieux métal. Les autres, les alluvions anciennes, livraient l’or en liberté au milieu de terrains de gravier ; la nature s’était chargée de triturer les roches, le lavage seul restait à faire. Enfin, dans les alluvions contemporaines, le minerai d’or était presque entièrement élaboré ; dans les sables des rivières, les pépites de l’inaltérable métal brillaient de leur incomparable éclat, il n’y avait plus qu’à les ramasser.

C’est dans les sables d’une de ces rivières que l’or californien apparut pour la première fois sur le versant occidental de la Sierra-Nevada[1]. L’époque d’enivrement qui suivit cette découverte est bien connue. À peine un navire avait-il jeté l’ancre à San-Francisco que passagers et matelots couraient à terre et partaient pour les mines ; nul ne voulait rester au port, et cependant c’était le temps où un portefaix gagnait 100 francs par jour, où un cuisinier vendait ses services à raison de 25 francs l’heure. C’est que le charme qui poussait aux mines était bien puissant ; plus de 5,000,000 de francs d’or étaient sortis de la Rivière-Américaine en moins de huit semaines de travail. Quinze hommes avaient recueilli 400,000 francs en moins de deux mois ; à Rich-Bar, on ne ramassait plus que les grosses pépites, et à Coyotte-Ravine, un banc de sable rendait 9 kilogrammes d’or pour 100 kilogrammes de sable. On sait à quel point le récit de toutes ces merveilles enflamma les esprits. L’or s’étalait à profusion devant une population fiévreuse : ce n’était pas assez, il lui en fallait encore davantage, et elle se consumait

  1. La Rivière-Américaine, près de son confluent avec le Sacramente.