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SCÈNE XV.
CARION, puis MYRTO.


CARION.

Ce dieu-là n’est pas sot ; pourvu qu’il prenne aussi mes intérêts !

MYRTO.

Dis-moi donc où a passé Bactis. Je ne puis le trouver ni aux champs, ni dans les jardins.

CARION.

Bactis ? il est parti pour la guerre !

MYRTO.

Que dis-tu là ?

CARION.

Un sycophante est venu qui l’a enlevé à votre père avec une grosse bourse d’or pour les besoins de l’armée.

MYRTO.

Ah ! malheureuse que je suis ! je n’ai pu le sauver ! Voilà donc le néant des dons de Plutus ! On me l’avait prédit ! O Plutus ! ô menteur ! que les dieux te confondent ! Bactis, cher Bactis, c’en est donc fait ? Tu cours à la mort, et je ne te verrai plus ! (Elle tomba sur ses genoux et sanglote.)

CARION.

Vous pleurez ainsi Bactis ? un enfant sauvage, un rustre qui ne savait rien, pas même percer une outre pour boire le vin en cachette, ou enlever une coupe encore pleine pendant que le maître pérore à table et fait l’homme instruit avec ses convives ! un Sarmate…

MYRTO se relavant.

Va chercher le plus noir et le plus gras de mes chevreaux. Je veux l’immoler moi-même aux Euménides, pour qu’elles détournent sur les compagnons de Bactis toutes les flèches de l’ennemi ! Bactis, Bactis !… si tu ne m’es bientôt rendu, je déchirerai mes vêtemens, je couvrirai mes cheveux de poussière, je prendrai une faucille acérée, et comme une Ménade furieuse, j’irai arracher les yeux de ton perfide ravisseur ! (Elle sort en courant.)


SCÈNE XVI.


CARION.

Je crois que le vent de Thrace a soufflé sur la jeune fille, et qu’il nous faudra aller cueillir l’ellébore jusqu’à Anticyre ! Voilà une bien sotte enfant qui s’est éprise de ce Bactis, et qui n’a pas vu la différence entre lui et moi !