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détruire. » Ces lignes du Journal des opérations de guerre au Sénégal expliquent dans leur concision les motifs de la sécurité où s’endormaient ces tribus guerrières ; elles indiquent dans la navigation difficile des marigots une partie des obstacles que devait rencontrer une colonne expéditionnaire. Ces obstacles n’étaient pas les seuls. Quatre-vingt-dix lieues séparent l’embouchure du Sénégal de celle de la Cazamance. Bien que ces parages n’offrent, si ce n’est à la hauteur de cette rivière, que peu de dangers pour des navires bien armés, la traversée de Saint-Louis à Carabane était une assez rude épreuve pour les petits bateaux à vapeur de la flottille, construits pour la navigation intérieure des fleuves, et la plupart usés par de longs services. Néanmoins leur concours était indispensable au succès de l’expédition ; on pouvait espérer que l’Etoile, le Dialmath, l’Africain, remonteraient assez près de Carone, à travers le dédale des marigots et les bancs qui en interceptent les passages, mais il était douteux qu’ils pussent pénétrer jusqu’au village même. Il était donc nécessaire que d’autres navires d’un faible échantillon, comme le Grand-Bassam et le Basilic, qui ne tiraient que quelques pieds d’eau, fissent partie de l’expédition. Transporter les troupes du point où s’arrêterait le gros de la flottille jusqu’à la plage de débarquement, les protéger alors du feu de leurs obusiers, tel était le rôle qui leur était assigné.

Le 1er  mars 1860, la flottille, composée des navires que nous avons nommés, franchit la barre de Saint-Louis et se dirigea vers Gorée. Le chef de ce comptoir, sous les ordres duquel étaient alors placées toutes nos possessions du sud, devait prendre le commandement de l’expédition. La garnison de Gorée, qu’il emmenait avec lui, nous y attendait avec les volontaires de Dakar et des villages de la presqu’île du Cap-Vert. Plus directement en relation avec les rios, les traitans indigènes de cette province avaient le plus à se plaindre des brigandages que nous allions punir, et s’étaient présentés en foule pour prendre part à l’expédition. Le 5 mars, la flottille, à laquelle s’étaient jointes la Citerne, la Trombe, était sous toute vapeur et filait vers le sud, poussée par une fraîche brise du nord-est. Laissant à notre gauche les terres basses et noyées de Joal et de Palmérin, nous reconnûmes les pointes rocheuses et dénudées du cap Bald, qui marquent au sud l’embouchure de la Gambie. La sonde à la main, nous contournâmes les rochers du Diamant, limite sud-ouest des écueils mouvans qui forment la barre de la Cazamance. Quelques heures après, nous laissions tomber l’ancre devant notre comptoir de Carabane, dont la tour commande l’entrée de la rivière.

La Cazamance, comme le Rio-Nuñez, comme le Cacheo, le Bolole,