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comme tous les cours d’eau de cette partie de l’Afrique, n’est qu’un vaste estuaire creusé par les flots de la mer, dont les courans alternatifs se font sentir avec force jusqu’aux premières hauteurs, à trente ou quarante lieues au-dessus de la barre. C’est généralement le point extrême de la navigation européenne, et presque toujours un barrage de roches superposées marque cette limite. Ce barrage forme la séparation des eaux salées avec la rivière proprement dite. Au-dessus de ce barrage, cette rivière n’est le plus souvent qu’un torrent presque sans eau pendant la saison sèche ; mais avec les grandes pluies de l’hivernage le torrent grossit en quelques jours, et le niveau s’élève souvent de plus de 10 mètres, A cette époque seulement, les eaux de l’estuaire deviennent, sinon douces, du moins saumâtres, et les courans de flot perdent une partie de leur force, tandis que ceux de jusant atteignent une vitesse de six ou sept milles à l’heure. Tout le pays compris entre ces deux points est plat, coupé par des canaux sans nombre, d’une profondeur variable, et qui dans leur inextricable labyrinthe forment une multitude d’îles de toute grandeur. Ces îles sont pour la plupart entourées d’une bordure de mangliers et de palétuviers dont les racines entre-croisées, couvertes d’huîtres et de coquillages, plongent dans une vase liquide, dont elles augmentent peu à peu la consistance en retenant tous les détritus, tous les débris flottans sur les eaux. Cette ceinture plus ou moins profonde défend l’accès de l’intérieur du pays ; des sentiers frayés par la hache, connus des seuls indigènes, conduisent aux villages bâtis sur les légères éminences, qui de loin en loin apparaissent au-dessus du niveau surbaissé de la plaine. Sur ces hauteurs se déploie une végétation qui peut rivaliser avec celle des pays les plus favorisés du monde : les kaicedras, les benteniers les tamariniers et d’autres arbres innomés poussent dans les airs leurs gigantesques ramures, au-dessus desquelles des palmiers de toute sorte balancent leurs gracieux panaches. Entre ces hauteurs et les palétuviers, les plaines découpées en rizières, en vastes champs d’arachides, ne sont ni moins riches ni moins fertiles. Même avant le développement des relations commerciales du pays avec les Européens, ces importans produits avaient d’autant plus contribué à la richesse de ces villages, que par les marigots ils trouvaient au loin un écoulement assuré.

Les dernières reconnaissances d’un jeune officier enlevé trop tôt à la marine ont constaté que de nombreux canaux, parmi lesquels celui de Carone même, relient la Cazamance avec les pays voisins de Sainte-Marie. Le bruit de nos canons fut d’ailleurs entendu à quelques lieues de cette ville, capitale des établissemens anglais. Ce voisinage et cette faculté de communication n’avaient pas été