Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/692

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

misères; elle n’est pas observée de même par les divers comités, et il y en a qu’on accuse d’une libéralité capable de démoraliser les ouvriers et de faciliter les fraudes et les abus. Il en est surtout ainsi lorsqu’il s’agit de racheter les effets du mont-de-piété, et j’ai vu donner pour cela à une seule personne jusqu’à 25 et 30 shillings. Lorsque ces objets sont engagés pour une trop grande valeur, le comité les remplace par un bon sur son magasin d’habillement, où l’on fournit les objets aux pauvres à titre de prêt, non pas dans la pensée de jamais les leur reprendre, mais pour les empêcher de les porter de nouveau au mont-de-piété.

Lorsqu’on s’est assuré des titres d’une famille à être secourue, on l’inscrit sur le livre ainsi que le montant du secours qui lui est alloué par semaine en nature ou en argent. Ce secours est proportionné non-seulement au nombre de têtes et au salaire, mais aussi aux secours que la famille reçoit déjà peut-être d’autres côtés. Cette inscription lui donne droit à l’allocation accordée durant un certain temps, généralement six semaines; elle envoie alors tous les jours l’un de ses membres au bureau, où on lui délivre des bons et un billet qui lui permet de se présenter le lendemain. Les bons, semblables à des billets de chemin de fer, représentent les uns de la soupe, les autres du pain, du lard, ou même, lorsque j’étais à Manchester, le dîner du lord-maire. Quelquefois ils sont acquittés par les boulangers et les charcutiers de la ville; mais en général les comités préfèrent avoir leur propre cuisine, ou, si le nombre des pauvres est trop grand, fournir leurs bons sur les cuisines des pauvres, établissemens fondés pour cet objet spécial par des particuliers. Ils peuvent ainsi procurer aux pauvres à prix égal un cinquième de nourriture de plus que s’ils l’achetaient en ville. C’est par ce secours simplement donné au bureau que l’on a pourvu aux premiers besoins de la population; mais, à mesure que le nombre des écoles s’est étendu, on y a fait entrer autant de pauvres que le permettaient les dimensions et les ressources de ces établissemens.

L’objet de ces écoles est d’occuper les ouvriers et les ouvrières sans travail, de les relever à leurs propres yeux en leur assurant les moyens de vivre sous la forme d’un salaire et non d’une aumône, et enfin de faire tourner à bien leurs malheurs présens en employant leur inaction forcée à leur donner une instruction qui leur manquait trop souvent. La manufacture offrait une occupation si lucrative aux mains les plus jeunes que, malgré de sages précautions, elle faisait tort à l’éducation primaire. J’ai été étonné, après ce que j’avais vu en Amérique, de rencontrer en Angleterre un nombre relativement si petit d’ouvriers et d’ouvrières sachant lire et écrire. Aussi ne saurait-on trop louer et encourager la fondation de ces écoles, dont les bienfaits s’étendront au-delà de la crise qui les a fait