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Mais de tous les établissemens destinés à occuper les ouvriers et à les instruire durant le chômage, le plus intéressant est celui qui a pris, comme je l’ai déjà dit, la place de cette espèce de club connu sous le nom de Hulme working men’s Institute. On n’y distribue aucun secours aux ouvriers qui viennent assister aux sept heures de classe qui s’y font chaque jour, cette école primaire étant destinée spécialement aux ouvriers déjà secourus par les comités; on les attire seulement par l’assurance d’un dîner gratuit et d’une tasse de thé. Il y a déjà plus de cinq cents ouvriers inscrits dans cet établissement, et le contrôle nécessaire pour l’admission est laissé complètement en leurs mains. Le comité des visiteurs chargés d’aller inspecter les pauvres chez eux et de les recevoir est composé uniquement d’ouvriers secourus eux-mêmes en ce moment. Ils se montrent très sévères dans l’exercice de cette fonction, et si l’un des ouvriers reçus a une conduite suspecte ou trouble ses camarades dans l’école, il est aussitôt expulsé. Les ouvriers emploient l’intervalle des classes à orner et à décorer de devises choisies par eux- mêmes les salles, qui n’étaient autrefois que des magasins. Tout y a un aspect de propreté qui s’accorde bien avec la bonne tenue des ouvriers. Ceux-ci profitent avec ardeur de l’occasion qui leur est offerte de s’instruire. Ils suivent avec assiduité les lectures que, selon l’habitude anglaise, des personnes de bonne volonté leur font presque tous les soirs sur des sujets variés. Je vins m’asseoir une fois au milieu d’eux; le lecturer de la soirée était un professeur du collège. J’assistai au récit de ses courses dans les Alpes. J’avais, je l’avoue, le cœur serré en comparant ces belles contrées, où l’on respire un air pur et où brille le soleil, que ces pauvres ouvriers sont sans doute destinés à ne jamais connaître, avec l’atmosphère enfumée au milieu de laquelle ils mènent une vie artificielle. L’attention était remarquable, quoiqu’elle fût peut-être due surtout à la lanterne magique dont s’aidait M. Greenwood pour illustrer son récit, et, trait caractéristique des mœurs anglaises, après la lecture, ces hommes, dont un grand nombre ne savent ni lire ni écrire, se mirent à proposer et à voter des motions de remercîment au professeur avec autant de régularité et d’aplomb qu’on l’eût pu faire au sein de la chambre des communes! Cependant rien ne peut effacer de ces visages honnêtes et intelligens une expression de tristesse inspirée non-seulement par leur situation, mais par le sentiment de leur désœuvrement forcé.

Les comités locaux, formés spontanément et fonctionnant tous à peu près de même malgré la diversité de leur origine, et les écoles qui en dépendent, sont donc le canal par lequel se répandent au milieu de la population ouvrière du Lancashire les souscriptions recueillies par des voies diverses dans toute l’Angleterre. Après avoir