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de l’Angleterre. Ce pays, si remarquable par sa hardiesse et sa persévérance dans les entreprises commerciales, songeant à un avenir plus prospère au milieu des misères du présent, a courageusement entrepris de maintenir ce gouffre constamment fermé en y jetant l’argent à pleines mains. D’ailleurs où trouver d’autres occupations pour cette nombreuse population? L’introduction des machines diminue tous les jours le nombre des bras employés par l’agriculture. L’extraction des houilles et l’industrie du fer font vivre bien des milliers de familles, mais il faudrait qu’elles prissent un développement que rien ne justifie pour donner place à tant de nouveau-venus, et puis il faudrait l’apprentissage de plus d’une génération pour former au rude métier du mineur ou du forgeron l’ouvrier délicat de la filature. Si ce remède eût pu être efficace, il eût été appliqué; le Lancashire offrait, à côté des filatures qui se fermaient, les plus riches houillères, et les comtés voisins sont les plus grands producteurs de fer de l’Angleterre.

Reste la ressource suprême de l’émigration. Quelques familles y ont eu recours, mais leur nombre est tellement insignifiant qu’on ne peut en tenir compte. Les facilités ne leur ont cependant pas manqué. Ainsi le gouverneur de la colonie de Queensland, dans l’Australie du sud-ouest, offre non-seulement de transporter gratuitement mille ouvriers du Lancashire, mais même de fournir à ces nouveaux colons tout l’équipement nécessaire pour leur nouveau genre de vie ; mais ces ouvriers de serre chaude, au teint blanc et aux mains déliées, savent bien qu’ils ne seraient pas meilleurs laboureurs que mineurs ou forgerons, et que ce sont de rudes cultivateurs qui seuls peuvent aller chercher dans les terres en friche de l’Australie, comme dans les forêts vierges de l’Amérique, les hauts salaires que ces pays nouveaux promettent aux émigrans.


IV. — SECOURS DONNÉS PAR LA LOI. — LES GARDIENS DES PAUVRES.

Après avoir montré tout ce que la charité volontaire a fait pour soulager les ouvriers du Lancashire, et afin de bien définir son rôle, il est nécessaire de parler de l’assistance légale, qui a pris naturellement un développement extraordinaire, et qui partage avec la charité volontaire la tâche de faire vivre tant de milliers d’ouvriers. Il suffit d’indiquer en peu de mots le système sur lequel cette assistance est fondée, système d’ailleurs souvent modifié et plus souvent encore critiqué; quelques détails sur la manière dont elle est exercée seront utiles pour faire connaître tous les moyens de secours employés dans la crise actuelle.

Le principe de la loi des pauvres est que personne en Angleterre ne doit mourir de faim, et que tout individu incapable de se soute-