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à un poids d’un kilogramme par centimètre carré. On peut donc admettre que la peau humaine la plus délicate peut supporter sans être déchirée le poids de 50 ou 60 atmosphères. Quant aux corps inanimés pressés dans un seul sens, il faut environ 100 kilogrammes par centimètre carré, c’est-à-dire 100 atmosphères, pour écraser une brique ou une pierre calcaire, de 3 à 400 pour le bois, 5,000 pour le fer et 10,000 pour la fonte. Si les substances soumises à l’écrasement sont soutenues dans tous les sens et ne peuvent être que comprimées (c’est leur position au fond de l’Océan), il faut des efforts bien plus énergiques. Ainsi l’opération si simple et si vulgaire d’enfoncer un clou dans un bois dur, ou bien de couper un fil de fer avec des pinces, exige un déploiement de force de plusieurs milliers d’atmosphères. Nul doute que des substances homogènes, telles que le caoutchouc et la gutta-percha, puissent supporter sans déformation ni diminution appréciable de volume les pressions les plus considérables qu’exercent au fond de l’Océan les couches d’eau supérieures. Quand les lignes de sonde sont relevées après être descendues à 4 ou 5,000 mètres, elles sont considérablement allongées, ce qui est un effet de la tension longitudinale qu’elles ont éprouvée ; le goudron est expulsé des spires, les torons sont souvent déformés, mais la fibre du chanvre est encore intacte.

Lorsqu’un navire étudie le tracé d’une ligne télégraphique sous-marine, il fait des sondages assez rapprochés le long des côtes ; puis, aussitôt qu’il a rencontré la mer profonde, les hauteurs d’eau de 2,000 mètres au moins, il ne répète les sondages qu’à des intervalles plus éloignés, de 20 à 30 kilomètres. Or ces points peuvent être choisis par hasard de façon à faire paraître plane une surface très accidentée, et surtout ils sont trop espacés pour que nous puissions savoir s’il y a au fond de l’Océan des pentes abruptes, des précipices. Dans l’Atlantique, deux sondages successifs ont donné une différence de 1,800 mètres ; mais la distance de ces deux sondages étant de 32 kilomètres environ, la pente du terrain pourrait ne pas être plus forte que celle d’une route. Nous avons lieu de croire qu’il y a effectivement au fond de la mer des pentes très rapides, des rochers qui surplombent à des hauteurs prodigieuses, des précipices qui n’ont plus d’analogues dans la partie de la croûte terrestre exposée à nos yeux, car les géologues s’accordent à nous représenter la terre, au sortir de ses derniers cataclysmes, sous un aspect âpre et ardu. À la surface, l’action alternative des gelées et des dégels, l’écoulement des eaux rasent les parties supérieures des montagnes et comblent les vallées avec les détritus ; dans l’Océan, la température est uniforme et constante toute l’année, et les eaux sont dans un repos presque absolu. Les sédimens qui se déposent depuis cin-