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pas non plus mettre tout à sa charge. Il est préférable de partager les chances entre les parties contractantes proportionnellement aux dépenses que chacune d’elles doit supporter. L’entrepreneur d’un câble ne fabrique pas lui-même l’âme, c’est-à-dire le fil conducteur recouvert de sa gaîne isolante; il l’achète dans les usines qui travaillent spécialement la gutta-percha et le caoutchouc. Sur la somme totale de 1,500 francs que coûte le kilomètre courant de câble manufacturé, la moitié représente le prix d’achat de l’âme et l’autre moitié le prix de l’enveloppe protectrice. Si l’entrepreneur assume tous les risques d’immersion et qu’il échoue, il va perdre non-seulement les matériaux achetés et mis en œuvre, les frais de transport avancés et son bénéfice légitime, mais encore la valeur du fil conducteur, qu’il n’a fait qu’acheter chez le fabricant. Ce serait une œuvre trop aléatoire ; ses risques doivent être limités à la perte de son bénéfice et de sa main-d’œuvre, soit environ 500 fr. par kilomètre. Engager davantage la responsabilité de l’entrepreneur, c’est se faire assurer par lui, et cette assurance trop élevée n’est pas prudente parce que l’assureur n’a pas, en pareil cas, plus de ressources que l’assuré contre les sinistres, et que l’intérêt des deux parties est en certains points opposé. D’ailleurs, quelle que soit l’étendue de cette garantie, elle ne peut être prolongée indéfiniment. Il paraît rationnel d’en fixer la durée à un mois après l’immersion. Ce délai est largement suffisant pour qu’un défaut résultant de la mauvaise fabrication ou de la pose ait eu le temps de se déclarer, et d’autre part il n’est pas assez long pour que l’exploitation ait pu modifier sensiblement l’état électrique du conducteur.

En se réglant sur ces principes, on peut adopter deux modes différens de traités. Si la compagnie concessionnaire veut limiter le plus. possible sa participation, elle achète l’âme et la livre à l’entrepreneur dans un certain état électrique dont celui-ci est responsable pendant les travaux ultérieurs. La forme, la nature et les dimensions de l’enveloppe protectrice sont débattues entre eux ; ici, en effet, l’entrepreneur doit avoir voix délibérative, car la réussite dépend du modèle adopté. Puis il est libre de faire fabriquer le câble comme il l’entend, d’employer pour l’immersion les moyens qu’il juge convenables; mais l’ingénieur et l’électricien de la compagnie le suivent pas à pas, et, sans avoir jamais le droit de prescrire aucune disposition, ils ont cependant le droit d’opposer leur veto sur tout ce qui leur paraîtrait de nature à compromettre le succès. Ainsi leur contrôle se porte sur l’état électrique du conducteur pendant chaque phase de la fabrication, sur la qualité des matériaux adoptés pour l’enveloppe, sur l’emmagasinement du câble dans les ateliers, à bord du navire, enfin sur les engins employés