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cendie était là ; les pompes, c’est-à-dire les journaux, étaient là aussi. Comment ne déplorerait-on pas que l’énergie de la spontanéité individuelle ait été condamnée à des efforts superflus, que la souffrance ait été inutilement prolongée, que les pompes aient été mises si tard en mouvement, et qu’un résultat si fâcheux soit la conséquence d’une imperfection manifeste dans l’outillage de nos libertés politiques ?

Il n’entre aucune pensée de récrimination dans ces observations. Nous nous servons seulement d’une expérience vivante qui doit profiter à l’éducation politique dont l’empereur est préoccupé. La leçon qui ressort de cette expérience parle au gouvernement aussi bien qu’au pays. Il faut qu’elle soit comprise par l’un comme par l’autre. D’ailleurs l’œuvre du soulagement des ouvriers cotonniers est désormais en bonne voie. En même temps que le concours du public va grossissant, l’œuvre se généralise. Le comité central du département de la Seine-Inférieure vient de prendre une intelligente et libérale initiative. Dans une assemblée générale réunie hier, il s’est transformé en comité national embrassant dans son action non plus seulement le département de la Seine-Inférieure, mais tous les départemens atteints par la crise cotonnière. Ces départemens, si nous ne nous trompons, sont au nombre de quatorze. Tant que les résultats de la souscription étaient encore incertains et ne formaient qu’une ressource peu importante, le comité central, siégeant dans le district où la crise a fait les plus nombreuses victimes, ne pouvait guère penser à porter une portion des sommes dont il disposait au-delà de son propre département. Il n’en est plus ainsi aujourd’hui. Un sentiment d’équité instinctive avertit les Rouennais qu’ils ne sont pas seuls à souffrir, qu’il ne serait pas juste d’absorber et en quelque sorte de confisquer à leur profit le mouvement charitable qui se prononce maintenant avec ampleur. Le comité national, sous ce nouveau titre, provoquera la création de comités dans les départemens en souffrance, et se mettra en correspondance avec eux. Les souscriptions recueillies jusqu’au 31 janvier demeureront acquises à la Seine-Inférieure. À partir du 1er février, les sommes produites seront distribuées par le comité national entre les divers départemens atteints par la crise proportionnellement au chiffre de leurs ouvriers sans travail. L’association de Rouen prendra dès lors le titre définitif de comité national de bienfaisance au profit des ouvriers sans travail de l’industrie cotonnière. Nous voyons ainsi s’élaborer une organisation analogue à celle qui s’est formée en Angleterre, et dont nous décrivons ailleurs les procédés. Cette organisation apprendra enfin à la France l’étendue des misères auxquelles il faut venir en aide, et nous ne doutons pas que le mouvement des souscriptions n’en reçoive une impulsion nouvelle et salutaire. Il importe que le zèle charitable n’ait point de défaillance, car malheureusement le mal en ce moment, au lieu de s’atténuer, va en s’aggravant. De nouvelles filatures ont arrêté leurs travaux en Normandie et ailleurs. En constatant l’aggra-