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de force, mais parce qu’ils ont l’art de faire entendre aux peuples les plus divers, sans les blesser, le langage de la raison. Leur présence s’y révèle à chaque pas : il n’y a pas en Égypte une innovation, pas une entreprise utile, à laquelle n’ait attaché son nom quelqu’un de nos compatriotes. Au lieu de détruire, l’invasion moderne s’efforce de reconstruire cette civilisation qui tombait en morceaux ; mais elle voudrait lui donner d’autres bases plus solides et plus rationnelles. Réussira-t-elle dans son œuvre de régénération ? De l’Égypte ruinée et affaissée sur elle-même, l’Europe fera-t-elle sortir une Égypte forte et saine ? Bien hardi serait celui qui oserait dire oui ! Il n’en est pas des peuples qui reçoivent les inventions modernes comme de ceux qui les ont créées : ceux-ci doivent les découvertes qui les honorent à une longue série de travaux dont elles sont le couronnement ; ceux-là ne voient que les effets dont ils ignorent les causes. Ce qui nous paraît certain, c’est que la navigation à vapeur sur le Nil et l’établissement de chemins de fer dans le désert n’ajoutent rien à la poésie du voyage, et pour notre compte nous nous félicitons d’avoir entrevu l’Égypte avant qu’elle fût dotée de ces moyens de locomotion. Les auteurs du livre qui nous occupe semblent être moins pessimistes ; ils sont de ceux qui envisagent l’avenir avec confiance, et qui trouvent dans les ressources d’un esprit cultivé une ample compensation aux charmes de cette couleur locale qui tend à disparaître. Ils sont jeunes, et nous ne le sommes plus ; nous ne pouvons donc pas voir les choses avec les mêmes yeux. Les vieux comme nous aimaient à s’isoler de tout ce qui leur rappelait le pays natal, à vivre d’une vie étrangère sous un ciel étranger, à ne point entendre au-delà de la Méditerranée ou de l’Océan les bruits de l’Europe ; mais autres temps, autres mœurs : la génération qui nous succède s’intéresse à tout ce qui se lie au grand mouvement social ; elle n’a pas de goût pour les promenades contemplatives qui ne produisent rien qu’une satisfaction intime et difficile à communiquer au dehors. Les écrivains qui ont rédigé le récit de leurs excursions dans la Vallée du Nil ont eu en vue de tracer un itinéraire complet et instructif qui pût servir aux touristes ; ils ont voyagé comme on voyagera désormais, commodément, vite et bien, sans rencontrer d’aventures extraordinaires, sans recueillir de légendes surannées, mais avec cette sûreté de coup d’œil que donne la sagacité unie à la science. Au lieu de se poser en héros qui ont accompli un pèlerinage hérissé de dangers et impossible à tout autre, ils vous disent : « Ce que nous avons fait, vous pouvez le faire aussi en prenant avec vous ce livre, qui vous tiendra lieu de guide et de cicerone. »


TH. PAVIE.



UN PRISONNIER DE GUERRE AU MEXIQUE[1].


Malgré l’intérêt d’à-propos qui s’attache au sujet, ce livre n’est point ce qu’on appelle un ouvrage de circonstance, car les premières lignes en furent

  1. Souvenirs d’un Prisonnier de guerre au Mexique, par M. Vigneaux ; Paris 1863.