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veaux banquiers à la mode, tels que Hoare et Snow, suivirent l’exemple donné par Francis Child, et vers 1665 une banque de crédit, bank of credit, s’ouvrit à Londres pour le commerce et l’industrie ; elle n’eut d’ailleurs que peu de succès.

L’Angleterre n’avait point jusqu’alors de banque nationale. Le besoin d’un tel établissement se faisait toutefois sentir depuis la révolution de 1688. il existe pour les peuples comme pour les individus des sources latentes qui jaillissent à un moment de leur histoire sous certains ébranlemens de la société. C’est ainsi que le génie des affaires et l’esprit de commerce s’étaient éveillés en Angleterre : quels immenses développemens suivirent cette révolution à laquelle les institutions de crédit doivent leur essor ! Bientôt sortit de la foule un homme dont le cerveau fourmillait d’idées, comme disent les Anglais. Cet homme se nommait William Paterson. C’était un Écossais du Dumfrieshire ; il avait étudié pour entrer dans l’église, et tout jeune il visita les îles des Indes occidentales « sous prétexte » de convertir les sauvages ; j’emploie ces mots « sous prétexte, » car il paraît qu’au lieu de s’occuper de sa mission évangélique, il s’attacha aux expéditions des boucaniers, soit à titre de curieux, soit comme hardi compagnon de leurs aventures. Il revint en Europe l’imagination exaltée par les grandes scènes de la nature et la tête pleine d’inventions financières. De concert avec son ami Godfrey, il créa le plan de la Banque d’Angleterre, qui rencontra une très vive opposition de la part des orfèvres, des banquiers, des usuriers et de quelques tories, mais qui n’en fut pas moins enregistré par une charte royale le 27 juillet 1694. L’histoire ne s’explique point sur les motifs qui décidèrent alors les tories à la résistance ; mais ces motifs, n’est-il point facile de les deviner ? Les anciennes familles nobles voyaient avec un certain déplaisir se constituer à côté d’eux une nouvelle puissance, celle de l’argent, power of money. Les argumens en pareil cas ne manquent point pour couvrir les intérêts froissés ou les ambitions alarmées ; aussi fallut-il à William Paterson une rare énergie pour triompher de tels obstacles. Il ne fut toutefois attaché que durant une année à la direction de la nouvelle banque ; faut-il en conclure qu’après avoir profité de son idée on trouva moyen de l’évincer par intrigue du poste qu’il avait si justement conquis ? Sur ce point, les opinions se divisent ; mais je crains bien que Paterson ne fût ce que les hommes d’affaires appellent un esprit chimérique. De tels esprits, quoique souvent utiles et féconds, ont donné plus d’une fois naissance à des enfans ingrats ; encore ne faut-il point trop appuyer sur ce reproche d’ingratitude, car les intelligences de cette trempe, excellentes pour fonder une œuvre, ne se montrent pas toujours aussi propres à la conduire.