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à peine vue des passans. On peut se faire une idée de ce qu’était ce bâtiment primitif en visitant la salle des paiemens (pay-hall), qui se trouve aujourd’hui en face de l’entrée principale et dans laquelle on voit à l’une des extrémités la statue de Guillaume III. Cette salle, dont l’architecture a d’ailleurs été remaniée, représentait autrefois presque toute la Banque. Environ un quart de siècle plus tard, c’est-à-dire de 1770 à 1786, l’édifice, toujours croissant, avait déjà dévoré une église et toute une paroisse. De ce second ordre de travaux, il reste aujourd’hui plus d’une trace, des ailes ajoutées au principal corps de logis par Robert Taylor et un élégant parterre avec deux grands arbres, des plates-bandes et une fontaine. Ce même parterre, qui répand de la fraîcheur et de la verdure dans une des cours de la Banque, était autrefois le cimetière de l’église Saint-Christopher-le-Stocks, et la loi s’opposait à ce que l’on pût bâtir sur un sol consacré. Ce sont donc les morts qui ont fait cadeau au public d’un tel jardin d’agrément. En 1788, sir John Soane, ayant été nommé architecte de la Banque, fit reconstruire différentes parties de l’édifice, et lui donna le caractère général qu’il conserve encore aujourd’hui. J’ai vu dans le cabinet de M. Alfred Latham, aujourd’hui gouverneur, un excellent tableau de l’habile peintre Marlow représentant la Banque d’Angleterre telle qu’elle était en 1802. L’ancienne Bourse (Royal Exchange) s’avançait alors en angle droit sur la place où s’élève aujourd’hui la statue de Wellington, et découpait dans le ciel, sur le second plan, sa tour ou son beffroi, surmonté d’une girouette en fer. On sait que cette Bourse fut brûlée en 1838 et remplacée en 1842 par un édifice qui affecte la forme d’un temple grec. Quant à la Banque, elle a peu changé depuis ce temps. En 1848 toutefois, M. C. R. Cockerel, successeur de sir John Soane, donna plus de relief à la façade et introduisit dans l’ordonnance de l’édifice quelques autres changemens utiles. À présent cet édifice ou pour mieux dire cet entassement d’édifices contient à l’intérieur et à l’extérieur des colonnes de tous les ordres d’architecture, une imitation du temple de Vénus à Tivoli, un portique dessiné sur le modèle de l’arc de triomphe de Constantin, et des allégories en pierre dont l’une, exécutée par Banks, représente la Tamise et le Gange. Ce mélange de tous les styles classiques appliqués à un grand centre d’affaires soulève sans doute plus d’une objection ; l’aspect général n’en est pas moins imposant, et cette association d’idées, si étrange qu’elle soit, semble en outre inspirée par la nature même des lieux. En 1805, on découvrit sous terre parmi des ruines un carrelage romain en mosaïque, transporté depuis lors au British Museum. Tout annonce en effet que cette partie de la ville était autrefois le quartier-général de l’occupation étrangère, ou pour tout dire le Londres des Romains. Une autre puissance que celle du glaive a