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sommation en est énorme, — se préparent et se relient dans cette partie de l’établissement. Ainsi que tous les autres services de la Banque, l’imprimerie se trouve surveillée par deux personnes, le superintendant et son député ; ce dernier supplée le premier en cas de besoin dans toutes ses fonctions. Il y a en outre une centaine d’ouvriers, hommes et jeunes garçons, sans compter quelques femmes. La plus grande masse du travail s’expédie toutefois par des machines à vapeur qui ont de l’esprit comme plusieurs hommes : elles raient, coupent et impriment des milliers de feuilles de papier avec une dextérité en quelque sorte fantastique. L’une des plus curieuses a une tête ronde et noire qui semble sortir du mur et qui s’abaisse et se relève de moment en moment comme une tête de magot de la Chine ; elle semble avoir pour le papier un amour étrange et platonique, car à chaque mouvement elle baise un des coins supérieurs de la feuille, et chacun de ces baisers laisse une marque indélébile. Ces marques sont les chiffres destinés à numéroter les pages du livre des rentes (transfer book of stocks), de telle sorte qu’aucune main, si habile qu’elle soit, ne puisse ensuite arracher un feuillet impunément. Si intéressant que puisse être cet ordre de travaux exécutés par une armée de roues et de pistons, qui ne désire arriver à l’imprimerie des billets de banque ? Il vous faut pour cela monter un escalier de pierre étroit et tournant comme celui d’un donjon ; chemin faisant se rencontrent des grilles de fer, des portes qui s’ouvrent et se ferment avec un grincement de verrous ; tout annonce que nous allons vers un prisonnier ou vers une majesté, car l’un et l’autre ont besoin d’être gardés. Ces mesures de prudence ne sont pas encore les seules qui aient été jugées nécessaires ; de distance en distance se montrent des rangées de seaux légers en cuir, sur lesquels on lit ces mots : Bank of England, et des tuyaux de fonte perpendiculaires, enveloppés de paille et recouverts d’une grosse chemise de toile pour les défendre de la gelée pendant l’hiver. Ces tuyaux sont alimentés par un réservoir d’eau qui occupe le toit du bâtiment, et que remplit un puits artésien creusé dans l’enceinte de la Banque. De telles précautions ont été prises évidemment contre l’incendie. Après avoir monté un ou deux étages, on entre enfin dans une salle au plancher de fer, aux murs flanqués de casiers en bois : là s’entasse le papier destiné à faire les billets de banque (bank-note paper store). Telle est, qui ne le devine ? la majesté en faveur de laquelle ces lieux ont été mis, à quelques égards, sur un pied de défense. Le papier a été fabriqué à Laverstoke (Hampshire) dans les moulins de M. Portal, qui seul, depuis un grand nombre d’années, a le privilège de fournir la Banque d’Angleterre. D’une blancheur de crème de riz et d’une contexture particulière, qui pour des doigts exercés se reconnaît au