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trait-on maintenant un faux commis sur le papier authentique de la Banque ? Heureusement le vol n’était pas aussi étendu qu’on l’avait craint d’abord, et les manœuvres des contrefacteurs furent déjouées par la vigilance de la police anglaise. L’un d’eux, qui paraît être un type digne des causes célèbres, occupait une petite ferme aux environs de Birmingham ; mais les paisibles et honnêtes travaux de l’agriculture avaient été choisis à dessein comme un voile pour mieux couvrir des machinations ténébreuses. C’est en effet dans cette ferme qu’ont été saisis les principaux instrumens des faussaires. Les tribunaux ont prononcé contre quatre d’entre eux des peines sévères.

La contrefaçon est un mal contre lequel la Banque a dû prendre naturellement toute sorte de précautions et de défenses administratives. Il se présente en moyenne dans ses bureaux plus d’une fausse note par jour. Dans les commencemens, la fraude a pu défier de loin en loin l’habile surveillance des employés ; aujourd’hui il est impossible qu’un faux billet passe sans être découvert à travers toutes les minutieuses épreuves qu’on lui fait subir à sa rentrée. Quelles sont donc ces épreuves ? Après avoir été vérifiées avec grand soin, les notes passent par les mains de commis qui déchirent la signature. Il faut en effet savoir que toute note rentrée dans les bureaux de la Banque ne reverra plus jamais la lumière de la circulation ; on peut dire qu’elle a vécu, vixit. Une première déchirure ne suffit point ; le billet doit bientôt après en subir une seconde encore plus profonde, qui enlève le titre de la somme placé au côté gauche du feuillet de papier ; cette dernière lacération s’exécute par les mains d’autres commis. Chemin faisant, de plus en plus examinées, les notes sont en outre frappées d’un timbre rouge qui, au moyen de certains rapports avec l’ordre des faits courans, mettrait à même un employé de la Banque de décider en quelques minutes quand et par qui ces mêmes notes ont été payées. Jusqu’ici le papier démonétisé (defaced) se timbre à la main et avec une célérité merveilleuse ; mais j’ai vu, dans les bureaux de cet établissement, le modèle d’une machine qui ferait le travail confié à la main des commis avec plus de promptitude et même de régularité[1]. D’autres jeunes gens, pour la plupart fils d’employés, sont occupés dans la même salle à tenir les livres courans (journals) et les grands-livres (ledgers). Chaque note, à sa rentrée, est enregistrée sur les uns et les autres de ces livres, de telle sorte qu’en comparant le nombre des billets remboursés avec celui des billets qui ne le sont point, la Banque sait exactement, à la fin de la journée, quelle est la masse flottante de son papier en circulation.

  1. Cette machine, qu’on doit bientôt mettre à l’épreuve, est de l’invention de M. Hill.