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lettre qui répond à la première de son nom lui indique tout de suite le pupitre de l’employé (clerk) auquel il doit s’adresser. Arrivé là, il se nomme, car on sait que la Banque d’Angleterre ne délivre jamais aucun titre au porteur ; le seul titre est l’inscription dans le grand-livre[1]. On ouvre ce livre, et au moyen seulement de deux lettres l’employé trouve tout de suite, avec une facilité merveilleuse, le nom et le compte arrêté d’avance de chacun, déduction faite de l’income-tax (impôt sur le revenu). Tout ce qu’on exige du réclamant est qu’il donne sa signature ; il a été reconnu que c’était la meilleure preuve d’identité. Ceci fait, il reçoit un cheque (bon pour être payé). Muni de ce précieux document, il passe dans une salle voisine qu’on appelle la Rotonda, et qui doit naturellement ce titre à la forme circulaire que lui a donnée l’architecte. Le centre de cette rotonde est occupé par un vaste bureau ou comptoir également rond qui se trouve sous un dôme vitré, et à l’intérieur duquel se distribuent une cinquantaine de commis. Ces commis reçoivent les cheques et paient l’un après l’autre, avec une rapidité extraordinaire, tous les mandats. La foule est quelquefois très considérable, surtout vers midi, durant la première semaine qui suit l’ouverture des paiemens ; elle flotte entre huit et dix mille personnes par jour. On a vu un clerk payer à lui seul, en pareil cas, six cent quarante rentiers de neuf heures du matin à trois heures du soir. Le caractère de cette population est intéressant à étudier, elle appartient en grande majorité à la classe moyenne et même à ce que nous appellerions en France la petite bourgeoisie[2]. Les créanciers de l’état se distinguent en général par un air respectable, une toilette modeste et des manières réservées. Les femmes sont au moins en aussi grand nombre que les hommes ; parmi elles, des veuves se font reconnaître à leurs vêtemens noirs et à un bonnet de forme particulière qu’elles portent sous le chapeau, usage si répandu en Angleterre que la reine elle-même n’a point voulu s’y soustraire, et

  1. On dit que ce système sera bientôt modifié, et que les créanciers de l’état recevront un papier constatant leurs droits.
  2. Je dois à l’obligeance d’un des employés de la Banque le tableau suivant, qui donnera une idée exacte de la distribution de la rente en Angleterre. Sur 268,995 rentiers,
    92,206 reçoivent au-dessous 10 liv. sterl.
    43,287 — — de 10 à 20
    89,001 — — de 20 à 100
    25,008 — — de 100 à 200
    13,012 — — de 200 à 400
    3,742 — — de 400 à 600
    2,421 — — de 600 à 1,000
    1,138 — — de 1,000 à 2,000
    354 — — de 2,000 à 4,000
    227 reçoivent plus de 4,000