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de cuir, une longue table couverte d’un drap bleu et sur laquelle s’étale un marteau en bois, signe de la présidence, tel est l’aspect général de cette chambre de la cour où siègent une fois par semaine les deux gouverneurs et les vingt-quatre directeurs de la plus grande banque qu’il y ait au monde. Toutes les questions sont résolues dans ce conseil à la majorité.

Il y a une autre chambre, committee-room, où les affaires journalières se trouvent conduites par un comité de trois directeurs qui se renouvellent et se remplacent de semaine en semaine. Quoiqu’il n’y ait que les membres de ce comité qui soient tenus d’être présens, beaucoup d’autres directeurs se rendent presque chaque jour dans l’établissement sans être de service, et tous sont assurés de connaître, par un moyen ou par un autre, ce qui se passe. Si ce n’est point tout à fait par les dîners qu’on gouverne les hommes, c’est du moins autour d’une table qu’on les réunit volontiers. Le gouverneur actuel de la Banque, M. Alfred Latham, voulut bien me montrer, chemin faisant, un des centres d’attraction qui appellent vers midi la plupart des directeurs, soit qu’ils se trouvent en fonction, soit que, par voie de rotation, ils en soient sortis : c’était une chambre particulière avec un bon déjeuner servi. Si la Banque tient beaucoup à ce que l’état de ses affaires soit constamment connu des directeurs, elle ne craint pas non plus que sa situation soit jugée par le public. Croyant que le meilleur des gouvernemens est encore celui qui a portes et fenêtres ouvertes, elle laisse volontiers la lumière et les regards des curieux pénétrer dans ses affaires. Les comptes de la Banque d’Angleterre sont publiés toutes les semaines, tandis que le bilan de la Banque de France n’est proclamé que tous les mois. Quel étranger n’a été surpris de voir en outre avec quelle facilité s’ouvrait devant lui l’accès aux divers bureaux de Threadneedle-street ! Combien cette liberté contraste avec le caractère mystérieux et impénétrable de nos administrations !

La Banque d’Angleterre avait commencé avec cinquante-quatre assistans ; elle emploie aujourd’hui sept cent soixante-dix clerks, et, en comptant les succursales, branches, neuf cent vingt-huit[1]. Ce nombre semblera encore assez peu considérable, si l’on réfléchit à la masse des travaux. En Angleterre, la ponctualité est l’âme des affaires ; aussi est-il curieux de voir, vers neuf heures du matin, l’état de la Cité. Les bateaux à vapeur déchargent des nuées de passagers sur la jetée, pier, de London-Bridge ; les omnibus se croisent et s’entre-croisent, versant des quatre points cardinaux de la ville des flots d’employés. Les clerks arrivent l’un après l’autre avec une toilette

  1. Il faut y ajouter les hommes de peine, commissionnaires, etc.