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cipline de l’église, le christianisme a pénétré la société nouvelle, et il suscite ce mouvement d’affranchissement qui se manifeste d’abord dans les communes pour triompher enfin à la révolution française, dont les principes finiront par être universellement appliqués.

Malheureusement, à l’heure même où tous les principes sortis du christianisme, l’égalité, la séparation de l’église et de l’état, la liberté de conscience, l’emportent définitivement, le clergé y voit une menace pour la religion et leur déclare la guerre. Considérant l’organisation temporaire et antichrétienne du moyen âge comme le régime naturel du catholicisme, il en souhaite ardemment le retour et s’oppose à tout ce qui nous en éloigne. Il croit voir dans cette époque de soumission complète et de torpeur intellectuelle l’âge d’or de la foi : au contraire le XVIe siècle avec ses hérésies, le XVIIe avec sa rénovation cartésienne, le XVIIIe avec ses insurrections philosophiques et politiques lui apparaissent comme des temps d’épreuve pour la vraie religion. D’ailleurs ce n’est pas en vain qu’il a goûté de la toute-puissance : il ne peut renoncer définitivement à une grandeur temporelle dont le souvenir l’éblouit encore. On a vu des hommes abdiquer le pouvoir; mais un corps n’y renonce jamais volontairement.

Ainsi donc la crise religieuse vient de la funeste erreur du clergé, qui ne reconnaît pas dans le régime moderne le fruit naturel de l’Evangile. Ce déplorable aveuglement remplit le penseur catholique de douleur et d’indignation : il trouve à peine dans son énergique langage des termes assez forts pour s’élever contre ce faux idéal du moyen âge que poursuivent ceux qui dirigent les destinées de l’église. « Oh! s’écrie-t-il, s’il ne fallait qu’excuser le clergé et les papes, qui aujourd’hui serait assez insensé pour leur reprocher d’avoir été barbares dans la barbarie, païens dépravés dans le paganisme dépravé? Obligée de traverser un océan de fange, l’église s’y enfonce par-dessus la tête. Qu’ensuite elle se secoue! Mais si les ordures qui l’enveloppent sont réputées son vêtement de lumière, ses splendeurs, alors cette fange c’est le christianisme, et le moyen âge est innocent, où la corruption abondait comme aux jours de Noé, et où elle déborda comme les eaux sur la terre aux jours du déluge. Si ces doctrines étaient celles de l’église, l’épouvantable refrain de Voltaire, écrasez l’infâme! ne devrait-il pas être le premier cri, le concert de tous les peuples, des générations présentes et futures? » Ainsi donc, suivant M. Bordas, aussi longtemps que le clergé voudra remonter le cours des siècles et restaurer l’ancien régime, non-seulement il n’y a pas à espérer de réveil pour la foi, mais il est à craindre que les esprits ne s’éloignent de plus en plus d’un culte