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Constantin, le progrès en ce sens devient de plus en plus rapide. L’église triomphante rivalise avec toutes les pompes du paganisme, et lui en emprunte même une partie pour se substituer plus complètement à lui. Des temples s’élèvent, et on les orne de statues, de mosaïques, de richesses de tout genre. Les reliques des martyrs sont l’objet de la vénération publique et opèrent partout des miracles. Le nombre des fêtes augmente. Le Christ, jusque-là simplement représenté comme un berger ou un pêcheur, figure désormais attaché à la croix. A la suite des discussions suscitées par Nestorius, Marie est placée à la tête des saints. Les prêtres se revêtent de costumes et d’ornemens particuliers; on allume des cierges et on brûle de l’encens; on adopte jusqu’aux ustensiles sacrés des sacrifices antiques; le chant se perfectionne, la liturgie, qui prend le nom de missa, se complique et se plie à des rites, à des formulaires arrêtés; le drame symbolique de la Passion, la messe, devient le résumé et le couronnement du culte extérieur. La réaction iconoclaste commencée en Orient par Léon l’Isaurien et appuyée par l’église franque ne parvient pas à arrêter le mouvement; elle disparaît impuissante sous les coups de Rome, parce qu’elle est en opposition avec les besoins des masses. Au moyen âge apparaissent les cathédrales gothiques, des fêtes sans nombre, les processions, les mystères, tout un symbolisme plus compliqué, plus splendide et s’adressant plus aux sens que celui de la Grèce. Enfin à la renaissance, quand des artistes fameux s’inspirent des chefs-d’œuvre antiques pour orner le catholicisme de leurs créations inimitables, le culte peut être comparé, sous le rapport esthétique, à celui des plus belles époques du paganisme. Le jour où Raphaël eut peint ses madones, le jour où, pour abriter le tombeau de saint Pierre, Michel-Ange eut élevé dans les airs la coupole du temple de tous les dieux, la Rome papale n’eut plus rien à envier à la Rome païenne. Une nouvelle réaction vers la simplicité apostolique se produit alors : une tentative de réforme est faite; mais elle est condamnée par l’église et elle ne réussit qu’en sortant de l’unité. Au sein de l’orthodoxie, le progrès continue. Sans doute l’inspiration de l’époque gothique a cessé, et l’on n’a plus les grands artistes de la renaissance ; mais le nombre des fêtes, des cérémonies, des reliques, des objets qu’on croit devoir offrir à la vénération des fidèles, va croissant encore, et après un moment d’arrêt amené par la révolution française le mouvement se poursuit sous nos yeux. Jamais peut-être on n’a vu tant de confréries pieuses, d’ordres religieux, de pratiques particulières, de récits d’apparitions et de miracles. Lorsqu’on remarque cette série de faits se succédant tous dans le même sens, il est difficile de ne pas y voir l’effet d’un besoin, non si l’on veut de l’esprit humain ou chrétien,