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côté ou plutôt au-dessus d’autres races, dont ils ont sollicité, quelquefois même asservi le travail sous des climats contraires à la race blanche. Là se présentent des complications de toute nature, et l’on en est encore, après trois siècles d’expérience, à rechercher les meilleures règles pour le gouvernement et l’administration de ces colonies. Essayons donc de recueillir, parmi les enseignemens du passé, les principes qui peuvent être considérés comme acquis à la science coloniale, et que démontrent, soit les succès obtenus par les métropoles qui les ont appliqués, soit les échecs subis par celles qui les ont méconnus.

La direction d’une entreprise coloniale est plutôt une œuvre économique qu’une œuvre politique; dans tous les cas, les avantages politiques qu’une métropole espère retirer d’une colonie, au profit de sa grandeur et de son influence, ne peuvent être que le prix d’une bonne gestion économique, d’où il suit que les intérêts matériels figurent nécessairement en première ligne. Il s’agit d’abord d’organiser, dans le pays où l’on s’établit, la culture rapide du sol et l’échange des productions. Les institutions politiques viennent ensuite comme le complément et le couronnement de l’édifice. Non point qu’il soit indifférent pour une colonie nouvelle d’être livrée à l’anarchie ou à de mauvaises lois; mais ce qu’il importe de former premièrement, ce sont des cultivateurs et non des citoyens. C’est donc par le sol qu’il faut commencer.

Dans les régions que n’habite point une race indigène ou qui ne sont habitées que par des peuplades sauvages et rares, la terre s’offre d’elle-même au premier occupant. L’immigrant européen s’établit où il peut et où il veut, sans autre règle que son caprice, sans autre guide que l’aventure, sans autre loi que l’intérêt. Il est propriétaire et maître de tout ce qu’il cultive; il prend la terre, il l’abandonne, il creuse çà et là ses sillons nomades dans des champs qui, pour lui, n’ont point de limites, et dont-la possession ne lui est disputée par aucun droit. Dans cet état rudimentaire de la création coloniale, l’individu domine, la société n’existe pas encore; mais, pour peu que la terre soit féconde, l’individu se multiplie par la famille. Les groupes se rapprochent, les premiers villages se fondent, et aussitôt apparaît la nécessité d’une loi qui règle l’acquisition de la propriété. Cette loi, dans les différentes colonies européennes, s’est inspirée de deux systèmes. Ici, elle réserve au gouvernement, soit métropolitain, soit colonial, la faculté de concéder directement des lots de terre; là, elle met le sol en vente et ne le livre que contre une somme d’argent, ou contre une promesse de paiement garantie par le travail.

Les métropoles qui ont pratiqué le régime des concessions se sont proposé de hâter le peuplement en offrant aux immigrans l’attrait