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tient et le soutient au milieu des épreuves auxquelles sont toujours exposées de telles entreprises. On ne doit avoir qu’une médiocre confiance dans ce futur colon qui commence par pétitionner pour obtenir une concession quelconque, et qui se réserve de la laisser là, si elle ne lui convient pas. On peut au contraire se fier à celui qui a choisi son champ et qui l’a payé. En outre l’acheteur ne demande à acquérir que l’étendue de terre qui est en rapport avec ses ressources de capital et de travail, tandis que le concessionnaire, qui n’est point intéressé à faire le même calcul, sollicite et obtient souvent au-delà de ce qu’il est en mesure de cultiver. Or il n’est point besoin de démontrer combien il importe que, dans une colonie nouvelle, l’étendue de la propriété soit en proportion avec les moyens de culture. Concéder cent hectares à un colon qui ne pourra en faire valoir que dix, c’est tout simplement prononcer un arrêt de stérilité contre les quatre-vingt-dix hectares que le trop heureux concessionnaire sera forcé de laisser en friche, c’est constituer le désert au lieu d’étendre la colonisation. On a, il est vrai, exprimé la crainte que ce système de vente n’engageât des spéculateurs à se procurer à bas prix, dans les emplacemens les plus favorables, de vastes terrains avec la seule pensée de les revendre plus tard, de telle sorte que, jusqu’à ce moment, le sol demeurerait sans culture. L’inconvénient, s’il existe, ne peut être que de très courte durée. Dans les colonies comme dans les métropoles, la spéculation sur les terrains est très hasardeuse; le détenteur se lasse vite d’une opération qui immobilise son capital, et son intérêt l’exciterait bien plutôt à mettre en valeur une partie de sa propriété pour donner au reste la plus-value qu’il attend. Au surplus, l’expérience est là. Dans l’Amérique du Nord et en Australie, la terre se vend et ne se donne pas : le développement régulier de la population et des cultures y a proclamé l’existence de ce système.

L’un des premiers soins de toute administration coloniale qui dispose de terrains vagues doit donc être de former le cadastre et d’organiser la vente, en adoptant le mode le plus simple, en se montrant sobre de formalités, et en fixant autant que possible un prix qui soit assez élevé pour imprimer à la transaction un caractère sérieux et qui soit en même temps assez modique pour attirer les acheteurs. Quelquefois, dans les contrées favorables à l’élève des bestiaux, un système particulier de tolérance ou de location précède et prépare la période de vente. Jusqu’à ce que les progrès du cadastre aient constaté officiellement la mainmise de l’administration sur les terres libres, le premier occupant s’établit sur des espaces plus ou moins étendus, soit à titre gratuit, soit moyennant un loyer très faible; puis, lorsque les opérations du cadastre arrivent jusqu’à lui