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d’industrie tiraient parti de cet état de choses, la masse de la nation souffrait du renchérissement des matières premières et des denrées de consommation, et, tous comptes faits, l’application du système se soldait par une perte plus ou moins considérable, selon que la situation des colonies réclamait une surtaxe plus ou moins élevée sur les produits étrangers importés concurremment dans la métropole.

La législation maritime venait encore aggraver les conséquences du pacte colonial. Les manufactures métropolitaines jouissant d’un monopole, et les colonies d’un privilège, la marine devait également se présenter à ce concours de la protection et demander sa part. Cette part lui fut faite aussi large que possible : on lui concéda le droit exclusif d’opérer les transports entre la métropole et les colonies. On se proposait ainsi de développer la puissance navale du pays et de servir un grand intérêt politique ; mais que pouvait-il résulter de ce nouveau monopole, sinon la cherté des transports, cherté qui grevait à la fois les articles manufacturés vendus aux colonies et les produits coloniaux vendus à la métropole?

Ce régime fut appliqué pendant près de deux siècles, plus ou moins rigoureusement, par les différentes puissances coloniales. Adam Smith fut le premier qui osa le combattre au nom de la science, et encore ses critiques, très décidées sur tout ce qui concernait le monopole des grandes compagnies et les privilèges du commerce, se montrèrent-elles assez timides contre le monopole maritime; il semble que sa haute raison d’économiste se sentit troublée au moment d’attaquer l’acte de navigation, le palladium de la grandeur britannique! Les disciples d’Adam Smith continuèrent l’œuvre du maître, et il est permis de supposer que, dès le commencement de ce siècle, le régime colonial aurait succombé sous leurs attaques, si deux grands faits, la guerre européenne et l’abolition de l’esclavage, n’avaient engagé les gouvernemens à ajourner tous les projets de réforme.

Depuis quelques années seulement, par l’initiative de l’Angleterre, l’ancienne législation est définitivement condamnée. D’abord les idées se sont modifiées sur le rôle même des colonies. Celles-ci ne sont plus considérées comme des vassales, comme des sujettes taillables et corvéables à merci, livrées aux exigences et aux caprices de la domination métropolitaine : aucun homme d’état n’oserait plus de notre temps soutenir cette doctrine qui a inspiré les législateurs des temps passés. En second lieu, après avoir subi la contagion du régime prohibitif qui était en vigueur et en honneur dans les métropoles, les colonies commencent à ressentir les bienfaits du régime plus libéral que les principales nations du monde ont adopté en matière de commerce et de navigation. Les colonies sont entraînées