Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour l’étendue du territoire et pour le nombre de la population blanche, puissent être comparées avec le Canada ou l’Australie; mais il est difficile d’apercevoir pour quels motifs nos Antilles, la Guyane, Bourbon, ne seraient point dignes d’obtenir des institutions analogues à celles qui régissent la Jamaïque et la plupart des Antilles anglaises. Si l’on objectait que la France, elle aussi, a vu restreindre en 1852 les attributions de ses assemblées et que ses possessions ont dû subir le même sort, il serait facile de répondre d’abord que la constitution actuelle de la France peut n’être point citée en toute occasion comme un progrès ni comme un modèle; puis, pour nous en tenir exclusivement à notre sujet, que la société coloniale est une société sui generis, composée et organisée tout autrement que ne l’est la société métropolitaine et comportant d’autres lois. Faut-il rappeler que sous l’empire des césars il y avait dans les colonies romaines, alors si florissantes, plus de liberté qu’à Rome?

Quand on étudie le régime applicable aux colonies où la métropole se trouve en présence d’une nombreuse population indigène, on est obligé de recourir à des principes différens. Dans ce genre de colonies, ce n’est point l’immigrant européen qui crée la richesse, c’est l’indigène. Dès lors, tout en concédant à la population européenne la plénitude de la liberté civile, religieuse et commerciale, la métropole doit lui mesurer d’une main plus avare les attributions politiques et fiscales, car d’une part il faut qu’elle protège le colon contre les protestations et les révoltes du peuple conquis; d’autre part, il faut qu’elle protège l’indigène contre l’avide exploitation du colon. Il y a là un double rôle de maître et d’arbitre que la métropole seule peut remplir. Ces colonies doivent être fortement gouvernées et administrées, et par les périls que la domination hollandaise a courus à Java, par la récente révolte de l’Inde anglaise, par l’exemple de notre Algérie, on peut se rendre compte des difficultés immenses de ce grand problème. De généreux esprits, frappés de l’impulsion providentielle qui a porté vers les territoires de l’Afrique et de l’Asie le drapeau civilisateur de l’Europe, ont exprimé la pensée que la solution du problème réside dans la fusion, dans l’assimilation des races, de telle sorte que le devoir comme l’intérêt du conquérant serait d’élever à son niveau la nation conquise, de l’admettre peu à peu au partage de ses droits, et de l’absorber ainsi dans une fraternelle unité. Cette théorie de l’assimilation a été provoquée par la doctrine contraire, qui prêche le refoulement et l’extermination des races conquises : c’est là son excuse. A un impitoyable arrêt de mort elle a opposé la séduisante perspective d’une nouvelle vie. Malheureusement cette noblesse de sentimens ne recouvre qu’une utopie. Que l’on nous montre entre les diverses races