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athénien offrait déjà cette conciliation intelligente qui, au milieu des races diverses, prépare une ville à devenir leur centre : une hospitalité large, l’accueil le plus flatteur pour les écrivains et les artistes, le droit de cité pour toutes les idées, une souplesse se pliant à des mœurs opposées, l’esprit d’initiative et un besoin insatiable de perfection, un goût exquis, naturel chez les plus rustiques, irrésistible chez les habiles, une douce tyrannie d’opinion, qu’affermissaient de fines plaisanteries, la violence dans l’amour du beau, une mesure divine dans sa poursuite, des plaisirs multipliés, mais délicats, la persuasion, l’enjouement, la grâce familière ; en un mot, ce qui séduit dans un peuple et ce qui lui fait tant pardonner. Les Français, qui se comparent volontiers aux Athéniens, n’ont-ils pas, eux aussi, le privilège de fatiguer l’Europe et de la charmer ? Ils excitent son envie, quelquefois sa colère, mais elle ne peut se dérober à leur influence pleine d’attraits. Polygnote n’eut donc point de peine à céder aux prières de Cimon, qui lui montrait une série de travaux magnifiques ; il se rendit avec joie dans-une ville qui lui promettait des richesses qu’il aurait le droit de refuser, une scène plus vaste, et surtout la gloire, ce mot si cher à toute âme grecque.

Lorsqu’il débarqua au Pirée, le spectacle qui s’offrit à lui fut loin de répondre à l’idée qu’il se formait de sa nouvelle patrie. La plaine où d’eux fois les armées innombrables des Perses avaient campé était dévastée, et des rejetons verdoyans ne remplaçaient point les oliviers séculaires que Minerve et Cécrops avaient plantés. Les ruines des temples incendiés par Xerxès montraient à chaque pas des colonnes noircies, des murs chancelans, des plafonds écroulés. Les Athéniens ne souffraient point qu’on fît disparaître ces débris vénérables qui nourrissaient leur haine contre les Barbares. Les fortifications, élevées à la hâte pendant que Thémistocle trompait les Spartiates par ses discours, étaient faites des matériaux les plus divers, qu’on avait ramassés parmi les ruines et placés au hasard. Les maisons étaient elles-mêmes assez misérables, petites, faites de briques ou de terre séchée au soleil, jetées çà et là sur les rochers ; les rues, étroites, tortueuses, envahies par le caprice des particuliers, n’avaient point été soumises à ces alignemens vastes et inexorables dont les modernes sont fiers. Au retour de Salamine, l’occasion avait été belle cependant pour tracer une ville au cordeau : tout était à reconstruire, puisque tout était détruit ; mais les Athéniens respectaient la liberté dans les plus petites choses, et les droits de ceux qui possédaient le sol leur paraissaient sacrés.

Toutefois, après ces impressions tristes, qui rappellent si vivement la chute héroïque d’Athènes et la rendaient chère aux Grecs, pour qui elle s’était immolée, des impressions plus riantes touchaient