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il avait admis dans son intimité l’évêque arménien de cette ville, Der Ovaghim (Joachim). Dans ses entretiens familiers avec le sultan, Ovaghim lui avait prédit que Constantinople tomberait en son pouvoir. Mahomet II rêvait en effet depuis longtemps la conquête de l’empire grec; il promit à Ovaghim que, si sa prédiction se réalisait, il le comblerait d’honneurs dans sa nouvelle capitale, et relèverait à la dignité de patriarche de tous les Arméniens de ses états. L’événement justifia la prophétie d’Ovaghim : au mois de juillet 1453, Constantinople succombait sous les efforts des soldats de Mahomet II, et peu d’années après (1461) Ovaghim fut investi par le vainqueur des pouvoirs les plus étendus sur ses coreligionnaires. C’est de ce temps que date la juridiction des patriarches arméniens de Constantinople sur leurs nationaux. Ce pouvoir presque absolu du chef de l’église arménienne sur toute la nation subsista pendant près de quatre siècles. Ce fut seulement à l’avènement du sultan Abdul-Medjid, qui venait d’inaugurer son règne par l’octroi de la charte de Gul-Hané, que les Arméniens, jusqu’alors soumis à l’autorité exclusive du patriarcat, songèrent à s’affranchir de la tutelle onéreuse du chef de leur église, devenu en réalité un simple fonctionnaire turc. Il y avait alors à Constantinople des hommes d’un rare mérite et d’un patriotisme éclairé qui, par leurs relations avec les membres du gouvernement et l’influence qu’ils exerçaient sur la nation, devaient faciliter singulièrement les projets des Arméniens. D’après leurs conseils, la nation chargea quelques-uns de ses représentans de rédiger une supplique adressée au jeune sultan, pour lui demander que le patriarche de Constantinople, seul chargé des pouvoirs civils, fût assisté par un conseil de notables arméniens partageant avec lui le fardeau des affaires. La négociation, habilement conduite, eut les plus heureux résultats. Rechid-Pacha fit rédiger un rescrit impérial qui décrétait l’établissement d’un conseil national arménien sous la présidence du patriarche, dont la puissance se trouvait dès lors considérablement restreinte. Ce conseil avait dans ses attributions la levée et la répartition des impôts, l’emploi des fonds du trésor, la mission d’instruire et de juger les procès entre Arméniens, et il était chargé de défendre auprès des autorités turques les intérêts généraux et particuliers des nationaux. En acceptant ce mandat, le conseil national et le patriarche se déclaraient responsables de la fidélité des Arméniens sujets de la Porte envers le sultan et l’empire. Dès l’année 1842, le conseil national entra en fonction, et à l’ouverture de la première séance l’un des membres proposa de nommer une commission chargée de rédiger un règlement qui serait soumis à la sanction de la nation. C’est ce projet de règlement, dont la rédaction ne fut