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bitans du Taurus présentent un ensemble de forces assez imposant. A l’ouest se trouve la tribu turcomane de Khozan-oglou, maîtresse d’un canton mixte composé de musulmans et de chrétiens. Méhémet-Tchaterdji, chef de cette tribu, est un des agas les plus redoutés de la montagne. Allié par le sang aux chefs des Yourouk, qui campent dans les environs de la ville de Sis, il envoie souvent dans la plaine des détachemens pour attaquer les caravanes et les voyageurs isolés. Pirates des steppes, les Yourouk rôdent la nuit, comme des chacals affamés, guettant une proie facile, et rentrent dans leurs campemens chargés d’un butin qu’ils partagent avec leurs chefs. Quant aux Zeïthouniens, il n’est guère facile de connaître leur pays, dans lequel ils ne laissent pas volontiers s’introduire le voyageur et les massacres des Turcs devaient seuls révéler à l’Europe ces montagnards arméniens.

Je n’ai jamais rencontré sur aucune carte de l’Asie-Mineure le nom de Zeïthoun, si ce n’est toutefois sur celle de l’atlas édité par les mékhitaristes de Saint-Lazare et sur la carte de M. H. Kiepert, de Berlin, qui a orthographié ce nom Seytin. Zeithoun est un mot turc d’origine arabe, qui veut dire olivier. On rencontre dans toute la Turquie, et même en Grèce, plusieurs localités du même nom, où croît l’arbuste consacré à Minerve; les oliviers étaient très nombreux jadis en Cilicie, où les Génois les avaient plantés : on les y trouve encore aujourd’hui à l’état presque sauvage. Le Zeïthoun arménien est situé entre le 37e et le 38e degré de latitude, le 34e et le 35e degré de longitude, dans la région la plus accidentée des montagnes, là où les soulèvemens se sont produits avec le plus de violence. De toutes parts, le territoire de la confédération zeïthounienne est bordé de rochers à pic, sauf du côté de Marach, où se trouvent des passages creusés par le cours du Djihan-Tschaï (l’ancien fleuve Pyrame) et de ses affluens. Le Zeïthoun est limité à l’ouest par les domaines des Turcomans de la tribu de Khozan-oglou, où s’élève une seule ville importante, Hatchin, peuplée en grande partie d’Arméniens. A l’est, le cours du Djihan sert de limite au territoire zeïthounien et au pachalik de Marach. Au nord et au sud, des rochers inaccessibles tracent une ligne conventionnelle entre le Zeïthoun et des pâturages assez éloignés où les tribus yourouk font paître l’été leurs troupeaux. En longueur et en largeur, le Zeïthoun peut « avoir environ quinze heures; » telle est en Orient la manière habituelle d’exprimer les distances géographiques. Les vallées où s’élèvent les bourgs, les villages et les fermes de ces Arméniens montagnards sont très fertiles, et la population y trouve en abondance de quoi se nourrir, elle et ses troupeaux. A en juger par les types que j’ai eu l’occasion d’examiner pendant mon séjour