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à Rome, ou dans quelques mesures peu prévoyantes, telles que le congé accordé par le gouvernement nouveau aux soldats de l’armée régulière napolitaine après la prise de Gaëte et l’application de la loi sur la suppression des ordres religieux, qui, en blessant le clergé, le rejetait dans l’hostilité. Je ne veux pas dire qu’il n’y ait eu des hommes passionnés et sincères qui se sont jetés dans ces troubles en croyant défendre un principe; mais le brigandage napolitain a été visiblement du brigandage dans son ensemble, la ligue de tous les élémens déclassés, galériens évadés, malfaiteurs, vagabonds en guerre avec la justice et la société civilisée. Qu’étaient en effet ces chefs de bandes? L’un était un ancien forçat en fuite coupable de trente délits ou crimes, et il se faisait général; l’autre n’avait commis que quinze vols et n’avait été que quatre fois assassin et se faisait colonel; un troisième, plus modeste, n’avait sur la conscience que quatre vols et deux homicides : il se contentait du grade de major. Le drapeau du roi François II s’est trouvé, il faut le dire, confié à d’étranges mains.

Je ne sais s’il est un témoignage plus éloquent dans sa simplicité de la nature de ces bandes et de leurs chefs, des déceptions réservées aux étrangers jetés dans ces aventures et même au fond des vrais sentimens du pays, que le journal laissé par ce malheureux officier espagnol, don José Borgès, qu’une mort tragique surprit au moment où il cherchait à s’évader de cette galère. Celui-là était un vrai soldat, un chef énergique de partisans, ayant servi la cause de don Carlos en Espagne et cherchant les occasions de servir encore la légitimité. Il avait cru trouver une de ces occasions à Naples, et il était parti avec des instructions du général Clary, qui était à Rome auprès de François II. Il débarqua dans les Calabres, sur la plage de Brancaleone, avec quelques hommes et des armes, croyant sans doute trouver des élémens de guerre civile ; mais il ne tarda pas à voir qu’il s’était trompé. Les chefs qu’il rencontre se défient de lui et se moquent de ses instructions. Mittica le retient presque prisonnier pendant qu’il s’en va dormir avec sa concubine dans un bois voisin. Et voilà Borgès obligé de marcher avec quelques hommes dans un pays inconnu, à travers les forêts et les montagnes, ne voyant venir que peu de partisans, avouant que le peuple est bon, mais que « les riches, à peu d’exceptions près, sont partout mauvais, » harcelé d’ailleurs par les gardes urbaines. — « J’ai fait halte, dit-il, sur la montagne appelée le Feudo. Des gens armés, à coups de fusil, nous ont contraints à déloger. Nous avons fini par trouver un lieu écarté pour nous reposer. Le jour suivant, nous sommes arrivés à Cerri à cinq heures du matin. Nous avons fait halte à Serra di Cucco. Un ancien soldat du 3e de chasseurs s’est présenté en de-