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est comme dans un dernier asile dont la France protège l’inviolabilité, et tant que le pape-roi est à Rome, revendiquant l’intégrité de sa domination temporelle, l’unité italienne, privée de son centre, flottant entre des villes rivales qui se disputent la primauté, est à la merci des incertitudes. De là cette alternative audacieusement posée par le moins politique et le plus honnête des agitateurs populaires et relevée par tous les ennemis de l’Italie comme la condamnation de l’unité : Rome ou la mort! Et cependant ni l’Italie ne peut être la mort de la papauté, ni la papauté ne peut être la mort de l’Italie aspirant à se concentrer dans son unité. Il y a une logique qui suit son cours, même quand elle semble s’arrêter ou se voiler un instant. Je ne sais ni à quelle heure ni comment les Italiens iront à Rome; ce qui est certain, c’est qu’il y a désormais dans ce vieux centre du catholicisme et dans le monde un problème inévitable : la fin du pouvoir temporel du saint-siège tel qu’il a existé jusqu’ici et la nécessité de trouver pour la papauté une autre forme, d’autres conditions d’indépendance.

Ce qui vient se placer à Rome entre l’Italie et le couronnement de son unité, ce n’est pas le poids d’une force vivante, c’est le poids de tout un passé et d’un avenir inconnu, et s’il y a une incertitude, elle n’est plus dans la question même, elle n’est que dans la manière de la résoudre. La fin de la vieille autorité politique du saint-siège, elle est écrite dans la situation qui lui est faite, dans l’impossibilité de la reconstituer ou de la raffermir, même territorialement réduite, dans toutes les anomalies de son existence contemporaine, — et une chose curieuse dont semblent ne pas s’apercevoir ceux qui croient avoir tout sauvé quand ils ont obtenu une trêve, c’est qu’au moment même où ils défendent si passionnément cette autorité, ils en constatent la décadence en invoquant la seule condition qui assure un reste de vie précaire à une ombre de pouvoir. N’est-il pas trop évident en effet que la souveraineté temporelle du pape n’existe plus par elle-même, que si l’armée française quittait Rome, la question serait résolue en un quart d’heure, comme elle était tranchée en 1859 à Bologne au départ des Autrichiens? Depuis longtemps, c’est par la force étrangère que la papauté politique est restaurée, soutenue. Qu’on lui rende, si l’on veut, l’intégrité de ses états, l’occupation devra visiblement s’étendre avec son domaine. Plus l’occupation s’étendra, plus elle constatera l’inefficacité du pouvoir temporel comme garantie d’indépendance. Qu’on suive les conséquences : si la liberté du pontife n’existe pas moins dans de telles conditions, si elle reste spirituellement entière aujourd’hui, au milieu d’un camp français, avec un territoire réduit à Rome et à la campagne romaine, c’est donc qu’elle ne tient pas es-