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et toujours au fond les réformes ont été un expédient encore plus qu’une pensée sérieuse. Un ministre napolitain qui était à Rome en 1859, et dont on a divulgué la correspondance, dévoilait ce système en écrivant à son gouvernement : « Le cardinal ne m’a pas caché sa pensée intime sur la valeur de ces concessions, dont il a toujours été l’adversaire, et auxquelles il ne consentirait, à toute extrémité, que pour raffermir le pouvoir du saint-siège ébranlé sur ses bases, pour assurer l’intégrité de ses états, et prévenir, éviter, par des concessions sans portée, celles que la force des circonstances et la dureté des temps pourraient un jour imposer au saint-siège. » C’est peut-être encore le système de réformes utiles que le dernier exposé des affaires de l’empire représente comme en pratique aujourd’hui à Rome. Ce système a conduit aux démembremens, à toutes les défaites matérielles du pouvoir temporel; mais il a eu en outre un résultat moral bien autrement grave : il a livré cette question de la souveraineté politique du saint-siège à toutes les discussions, il a provoqué la lumière et l’examen. Il a conduit les esprits à remuer tous ces problèmes de la souveraineté temporelle des papes, de sa nature et de ses origines, des fatalités de sa politique, de son caractère tout humain indépendant du dogme, de cette confusion de pouvoirs qui met la théocratie dans la vie civile, de cette fiction qui subordonne l’existence nationale d’un peuple à une nécessité de religion, et alors ce qui aurait pu vivre encore dans un demi-jour prudemment maintenu par un gouvernement habile à désarmer, à satisfaire l’opinion, est devenu impossible à la lumière de cette enquête, où la papauté politique s’est effondrée, et où il n’est resté que la papauté religieuse.

Que des réformes n’aient point été accomplies à l’heure où elles auraient pu être efficaces, que la cour de Rome, sans y prendre garde, soit allée d’elle-même au-devant du péril en prenant une attitude d’incompatibilité avec l’Italie et avec l’esprit moderne, que l’on ait laissé passer le moment des transactions, oui sans doute; mais il y a au fond une cause plus générale, supérieure, qui domine toutes les autres, dont les accidens de la crise actuelle ne sont que les faces particulières, et qui a peut-être agi d’autant plus énergiquement que la France a le premier rôle dans ces événemens, et que la protection dont elle couvre le saint-siège est limitée par les idées dont elle est la vivante personnification. Cette cause, c’est le principe même sur lequel repose l’autorité temporelle des papes, non telle qu’elle a toujours existé, mais telle qu’elle existe aujourd’hui par l’identification absolue du pouvoir civil et du pouvoir religieux. Il y a une chose dont on ne semble pas s’apercevoir, c’est que cette crise qui a éclaté tout à coup n’est que la conséquence nécessaire,