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C’est notre mer à nous, Lorrains et Bourguignons,
Gens des pays de l’est et du nord. — Les Bretons
Ont l’Océan terrible, immense, aux eaux fécondes;
Nous avons les forêts sonores et profondes.
Quand loin du sol natal nous errons vers le soir.
Souvent à l’horizon nous croyons les revoir.
La nuit, dans l’ouragan qui siffle et se lamente.
Nous croyons distinguer votre voix mugissante,
O bois de nos pays ! — Ainsi qu’au fond des mers,
Parmi les profondeurs de vos abîmes verts,
Une vie incessante éclôt; des milliers d’êtres,
Un monde merveilleux sous la voûte des hêtres
Pullule, et ses amours, ses chants, ses floraisons,
Tour à tour prennent place au cercle des saisons.
En mars, quand le soleil lance ses jeunes flèches,
Tout un peuple de fleurs perce les feuilles sèches :
Dans l’onde des ruisseaux tremblent les boutons-d’or,
Les narcisses rêveurs se penchent sur le bord,
Et les taillis sont pleins de jaunes primevères.
Avril, avril commence! Un bruit d’ailes légères
Frémit dans les rameaux des arbres reverdis.
Voici les doux chanteurs des bois, voici les nids!
Et muguets de fleurir à côté des pervenches.
Et concerts printaniers d’éclater dans les branches.
Gué! gué! soyons joyeux! dit le merle. — Aimons-nous!
Chante le rossignol. — Hâtez-vous! hâtez-vous! »
Répète le coucou d’un ton mélancolique...
Le printemps fuit, et juin, comme un roi magnifique
Vêtu de pourpre et d’or, apparaît dans les champs.
Les herbes des fourrés jaunissent, et les chants
S’apaisent; dans le fond des combes retirées,
Au clair de lune, on voit les biches altérées
Venir avec leurs faons tondre les jeunes brins
Imbibés de rosée. — Aux marges des chemins
Les fraises ont rougi, les framboises sont mûres;
Parmi les merisiers aux mobiles ramures.
Les loriots gourmands sifflent à plein gosier;
Leur cri mélodieux clôt le chœur printanier.
La fleur fait place au fruit, l’été place à l’automne.
Salut, maturité, saison puissante et bonne!
Saison où la forêt tient ce qu’elle a promis,
Et fait pleuvoir du haut de ses rameaux jaunis
Des trésors à foison ! — Les noisettes sont pleines,