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volontiers une excellente et spirituelle brochure que cette question a récemment inspirée à un membre du parlement qui fit partie un moment du dernier ministère de M. de Cavour. L’auteur de cette brochure, M. Jacini, est bien revenu du premier trouble que la nouvelle politique française à l’endroit de Rome avait excité chez les Italiens. La finesse et l’habileté de M. Jacini consistent à prendre au mot la nouvelle politique française. « Vous voulez que Rome et le patrimoine demeurent au saint-père, semble dire M. Jacini, soit ; nous autres Italiens, nous pouvons y consentir sans grand dommage ; mais ce sera alors à vous de réconcilier le saint-père avec l’Italie. Cette réconciliation comporte un ensemble de détails matériels. L’enclave romaine devra, par exemple, être unie au royaume par un traité de commerce ou une union douanière ; ses frontières seront ouvertes à tous les Italiens qui auront à passer du nord au sud de la péninsule, et réciproquement. Par le commerce, par le transit des produits, par les chemins de fer, par le courant continu des voyageurs, naturellement, sans violence, avec cette nécessité qu’on appelle la force des choses, la petite enclave romaine sera bientôt et sans cesse traversée par les idées, les intérêts, les hommes, l’atmosphère morale du royaume. En réalité, Rome sera nôtre, et si un beau jour elle devient notre capitale, la chose aura depuis longtemps préexisté au nom. Nous n’avons qu’à accepter les termes de la proposition impériale du 20 mai, les plus favorables au saint-père, et l’événement ne tardera pas à prouver qu’ils doivent invinciblement tourner en notre faveur. Seulement le jour où nous accepterions cette proposition, c’est le saint-père qui pousserait le cri d’alarme et qui n’en voudrait plus. » Le paradoxe de M. Jacini nous paraît très sensé, et il aura fait sans doute son chemin lorsque la question romaine sera replacée à l’ordre du jour.

Pour le moment, la préoccupation dominante de l’Italie est la question financière. Au point où en est l’Italie en matière de finances, il est nécessaire d’embrasser cette question par grandes masses, et de l’asseoir sur un système large et définitif. Le cabinet italien possède dans M. Minghetti l’homme le plus propre à répondre à la nécessité de cette situation. M. Minghetti a en même temps l’esprit généralisateur et la connaissance minutieuse des détails ; il a largement exploré la situation financière de l’Italie : d’une part des dépenses exagérées par l’abus de la bureaucratie, de l’autre des recettes insuffisantes soit par suite de l’inégale répartition des taxes entre les diverses parties du pays, soit par suite de l’accroissement des besoins de l’état. Il a eu à calculer les économies qu’il était possible de réaliser, les ressources que l’on pourrait réunir par la péréquation des impôts et par la création de nouvelles taxes ; il a dû supputer non-seulement les découverts existans, mais ceux qui doivent se former encore pendant un certain temps. Puis il fallait passer en revue les ressources extraordinaires que l’état pourrait réaliser afin de faire face aux découverts, et enfin chiffrer la différence qu’on ne pourra se procurer qu’en ayant recours au