cer ! Le duo entre Bacchus et Silène manque aussi de franchise. Il est interminable, et rappelle des formules connues, comme presque tous les morceaux de la partition. Pourquoi donc a-t-on redemandé à Mlle Baretti les couplets qu’elle chante d’une voix aigrelette et sur des paroles que voici :
Je veux tenter l’expérience.
J’ai bien peur, mais, ma foi ?…
Il n’y a certainement rien de piquant dans la mélodie écourtée que débite
la cantatrice. Tout le premier acte de la Déesse et le Berger est rempli de
ces sortes de lieux-communs élégamment reproduits qui ne font illusion à
personne. Parmi les morceaux nombreux encore du second acte, je ne puis
vraiment louer ni le trio entre Bacchus, Silène et Palémon, ni le rondeau
de Palémon :
N’allez pas
Aux profanes la redire,
ni le quintette qui vient après, et dans lequel se détache un duo pour soprano et ténor entre Maïa et Bathyle, qui est bien long et d’une tournure
vulgaire. Faut-il citer les couplets que chante Bacchus d’un ton paterne :
Jupiter ne donne aux humains
Que des biens mêlés de tristesse ?
J’aime mieux le petit chœur de femmes qu’on chante en l’honneur de la
nouvelle déesse :
O Maïa, déesse charmante.
Nous accourons tous
Prier à tes genoux,
et la scène finale, où l’influence de Lalla-Roukh et de M. Félicien David
est frappante. J’ai rarement vu un phénomène plus curieux que celui que
présente l’ouvrage que je viens d’examiner rapidement. Ce musicien de
beaucoup de talent a fait un opéra en deux actes qui renferme de quinze à
vingt morceaux qui tous portent la trace des souvenirs de l’auteur, et de
son aptitude singulière à s’approprier les idées d’autrui. Il y a de tout dans
la partition de la Déesse et le Berger, du Donizetti, du Verdi, du Pré aux Clercs, et surtout une forte imitation du style et de la couleur élégiaque
de Lalla-Roukh. Il est pénible d’être obligé de conclure que le nouvel opéra
de M. Duprato, la Déesse et le Berger, n’ajoutera rien à la réputation que
s’est acquise cet habile artiste.
La musique et l’art de chanter viennent de faire une perte douloureuse. Mme Damoreau-Cinti, la cantatrice la plus exquise et la plus parfaite qu’ait produite la nouvelle école française, transformée par le génie de Rossini, est morte ces jours-ci, âgée de soixante-trois ans. Elle était née à Paris au commencement du siècle, et elle a traversé une longue vie avec un succès