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que de deux ou trois qui soient ainsi retournées au siècle. Celles dont leur directeur est le plus sûr, et de qui on ne croit pas avoir à craindre de regrets et de repentirs, sont parfois autorisées, par une dispense particulière de l’évêque, à prononcer, avant l’âge de quarante-cinq ans, des vœux perpétuels. Avant la révolution, dans certaines de nos provinces, en Auvergne notamment, nous avions quelque chose de semblable, et il est permis de regretter, à bien des égards, cette consécration religieuse qui enlève au célibat ce qu’il peut avoir de mortifiant, et qui, sans démembrer la famille comme la retraite dans un couvent, relève ainsi, par l’apparence d’un sacrifice volontaire, la situation de la femme vieillissant hors du mariage.

Outre les machrabets, il y a encore à Angora des religieuses appartenant à l’ordre de l’Immaculée-Conception et réunies dans un couvent placé sous la surveillance de l’évêque. Elles s’emploient surtout à instruire les enfans, elles leur apprennent à lire, à écrire et à coudre; mais les religieuses sont en bien plus petit nombre que les vierges qui se consacrent à cette vie de dévouement sans quitter la maison paternelle. On ne compte en tout, pour le moment, que quatorze religieuses. Il est à désirer que le clergé persévère dans la sagesse qu’il a montrée jusqu’à ce jour, et qu’il ne cherche pas à développer, au sein de cette communauté sur laquelle il exerce une très grande influence, la vie monastique aux dépens de la vie de famille.

La communauté arménienne non unie, peu nombreuse et assez pauvre, est bien moins intéressante que la communauté catholique; elle a un évêque qui ne paraît guère se soucier de rivaliser avec Mgr Chichmanian et un clergé des plus ignorans. Les simples prêtres se marient, les vartabeds ou docteurs, parmi lesquels on choisit les prédicateurs et les évêques, sont astreints au célibat. La plupart des Arméniens font un petit commerce au bazar ou sont employés comme domestiques. On ne compte pas parmi eux une seule famille riche. Les plus grandes fortunes que renferme la ville se trouvent au contraire parmi les Grecs. Ces Grecs ne descendent pas de la population chrétienne qui habitait la ville lors de la conquête musulmane; il n’était pas, dit la tradition locale, resté de Grecs à Ancyre, et presque toutes les familles grecques qui y sont maintenant établies se savent originaires de Kaisarieh, où la population purement grecque n’a jamais cessé d’être très nombreuse, d’Aïwali ou de Smyrne; c’est dans le siècle dernier ou au commencement de ce siècle qu’elles sont venues se fixer à Angora et y former une colonie grecque qui ne cesse point de s’accroître et qui est en pleine prospérité. Au XVIIe et au XVIIIe siècle, on trouvait établis à Angora des négocians hollandais et français par les mains de qui passait tout le