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le premier, enleva Jérusalem aux Cananéens. La conclusion n’est pas difficile à tirer : l’ouvrage que le rédacteur du Pentateuque a pris pour base de son récit remonte au règne de Saül, le prédécesseur de David et le premier roi d’Israël. Je pourrais multiplier les exemples. De l’Ancien Testament je pourrais passer au Nouveau. Je pourrais montrer comment la critique a sur une foule de points modifié la tradition, comment elle a tantôt renversé, tantôt confirmé l’authenticité des écrits apostoliques, par quels moyens ingénieux, par quelles ressources d’esprit et d’érudition elle a fixé, à quelques mois près, la date d’un écrit qui n’en avait point, ou rejeté jusque bien avant dans le second siècle telle épître qui s’était décorée du nom d’un apôtre; mais ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans des détails de ce genre. Mon seul but était de faire comprendre ce qu’on entend par la critique des documens, quelle en est la méthode et à quels résultants elle peut espérer d’arriver.

La critique des faits a un autre but et procède différemment. Elle se propose, par la comparaison des renseignemens fournis, par l’examen de la vraisemblance et de la cohésion interne des récits, elle se propose, dis-je, de déterminer le degré de confiance que ces récits méritent, et d’y séparer, s’il y a lieu, la vérité de la fiction, l’histoire de la légende. Elle aspire même quelquefois, par des conjectures, par des combinaisons, à rétablir la suite et le vrai sens des événemens, que la tradition a défigurés. Les recherches auxquelles les premiers siècles de l’histoire romaine ont été soumis depuis Beaufort et Niebuhr offrent un exemple de ce genre de travail et des procédés au moyen desquels les savans se flattent tantôt de détruire, tantôt de reconstruire l’histoire traditionnelle.

Le premier volume du docteur Colenso, le seul dont nous ayons à parler ici, parce que c’est celui qui a fait événement, ce volume s’occupait uniquement de la critique des faits et s’en tenait au côté purement négatif des questions. L’auteur ouvre les livres de l’Ancien Testament vulgairement attribués à Moïse. Il laisse de côté les grands récits de la création, de la chute, du déluge, pour se borner à des événemens plus faciles à contrôler. Il ne rejette point un fait par cela seul que ce fait est miraculeux ; il ne trouve, pour sa part, aucune difficulté à admettre une intervention surnaturelle de la Divinité dans les affaires humaines, mais il ne peut recevoir comme vraies des relations contradictoires : or ce sont des contradictions qu’il a cru reconnaître dans le Pentateuque. Prenant pour objet spécial de ses recherches le séjour des Israélites dans le désert, il s’attache à l’un des élémens de ce récit, le nombre assigné par le texte sacré à la multitude des Hébreux qui venaient d’échapper au joug des Pharaons. Ce nombre, d’après le Pentateuque, était de