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montra favorable à Law, blâma la violence de Stairs contre lui, promit même de le remplacer (18 décembre). De sa personne, il passa le détroit, vint s’arranger avec Dubois pour les affaires d’Espagne, et autre chose aussi sans doute. En mars 1720, le plan de Blount devait être présenté au parlement, et son affaire lancée. En mars aussi (on pouvait l’espérer), au jour fatal du dividende, Law, incapable de tenir ses imprudentes promesses, allait être précipité. Sa terrible culbute, un coup d’énorme baisse, faisant fuir tous les capitaux, les renverraient à Londres et feraient la hausse de Blount.

Le premier point était de décréditer le Mississipi, de détruire ce vaste mirage qui avait fait monter si haut les actions. On annonce à Londres à grand bruit que de vives représentations vont être faites aux chambres sur ces établissemens français « qui empiètent sur les Carolines. » Ici Dubois écrit et dit qu’on a tort d’attendre des denrées tropicales de la Louisiane, que ce grand pays inondé ne sera jamais qu’une espèce de Hollande, tout au plus bonne à nourrir des bestiaux. Ces choses, dites dans l’intimité, durent circuler par les familiers de Dubois. Ce n’étaient point des attaques personnelles, mais d’autant plus efficacement de pareilles confidences minaient le crédit. On savait bien aussi que Law, tout en promettant de ne pas augmenter le nombre des billets de banque, ne pouvait faire face aux besoins qu’en en fabriquant de nouveaux (de février en mai, près de 1,400 millions !). Dès le 28 janvier, il leur donna un cours forcé, obligea de les recevoir comme monnaie. En même temps la monnaie métallique était persécutée et par les variations qu’on lui faisait subir, et par le rappel qu’on fit des anciennes monnaies décriées. On en fit des recherches, des poursuites, des confiscations chez les particuliers et dans les couvens même.

Un état si violent ne pouvait guère durer. Peu avant le paiement du dividende de mars, on dut prendre un parti. Il s’en présentait deux : on pouvait sauver l’une ou l’autre des deux institutions, ou la compagnie ou la Banque, soutenir ou l’action ou le billet ; mais, comme on l’a très bien dit, la plupart des possesseurs d’actions étaient des gens qui avaient librement spéculé. Les porteurs de billets les avaient reçus forcément, en vertu des édits, comme monnaie obligatoire, sans chance de fortune ; leur droit était sacré. Donc on devait plutôt laisser tomber l’action, non le billet, sauver la « Banque plutôt que la compagnie. » Seulement, en sacrifiant celle-ci, on fermait l’espérance, on sacrifiait la colonisation et le commerce renaissant. Le 22 février, on associa, on fondit les deux établissemens. La Banque devint caissière de la compagnie, et celle-ci caution de la Banque. Ce fut le plus fragile, le plus ruineux des deux établissemens qui prétendit soutenir l’autre. En Angleterre, la Banque,