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vol. Il abolit l’or et l’argent, leur ôta cours et défendit qu’on s’en servît.

Les louis d’or, en mars, vaudront encore 42 livres, 36 en avril… Et en mai ? Pas un sou. — L’argent a un répit. Il survivra jusqu’en décembre, sera enterré en janvier. Mesure étrange, hardie, mais d’exécution difficile, qu’on ne pouvait maintenir ! Quoi qu’il en fût de l’avenir, cette mesure eut pour le moment un effet violent pour les réaliseurs, les rendit furieux. Leur or ne pouvait ni sortir de France (on l’avait vu par Duverney), ni s’employer aisément en achats, sinon avec grande perte ; on hésitait à recevoir ces métaux dangereux, qui bientôt ne serviraient plus. Les riches du système, gorgés par lui, en devinrent les plus cruels ennemis, aryens apôtres de la baisse, outrageux insulteurs de Law et du papier. Dans leurs orgies, ne pouvant brûler l’homme, ils brûlaient les billets pour bien convaincre le public que ce n’étaient que des chiffons.

Leur espoir le plus doux, c’était que le parlement, qui dès août 1718 eût voulu pendre Law, réaliserait enfin ce vœu, prendrait son temps, et par un jour d’émeute ferait brusquement son procès. Ces magistrats haïssaient Law, et pour le mal et pour le bien, Il était le monde nouveau qui les enlevait à toutes leurs idées. Aux plus dévots d’entre eux, il semblait l’Antéchrist. Tous trouvaient fort mauvais que le grand novateur touchât à la vénalité des charges, qu’il parlât de supprimer cette justice patrimoniale où le droit souverain de vie, de mort, la robe rouge, passait par héritage, échange, achat, legs, dot : petit fonds, de fort revenu pour qui savait de certaine manière le rendre fructueux. L’austérité de quelques-uns n’empêchait pas le corps d’être détestable, d’orgueil borné et d’inepte routine, bas pour les grands, cruel aux petits, très obstiné pour la torture, pour toute vieille barbarie. Le fisc, le règne de l’argent à son début sous Henri IV, avaient consacré ce bel ordre. Ici l’homme d’argent, Law, eût voulu le supprimer. De là duel à mort, où l’on croyait que Law serait fortement appuyé par l’ennemi personnel du parlement, M. le Duc, qui avait tant aidé à le briser en 1718. En mars 1720, M. le Duc, Conti, ont sur cela changé d’opinion. L’abolition de l’or les blesse trop. Ils se vengent de Law en défendant le parlement. S’étant garni les mains, ils s’en détachent, flattent le public à ses dépens. On se dit que cet homme, abandonné des princes, ne peut durer, qu’actions et billets, tout cela va tomber, ce qui fait justement que d’autant plus ils tombent : la baisse se précipite.

C’est le moment où Blount à Londres a présenté sou plan aux chambres. Heureuse chance pour lui ! il leur montre Paris en baisse, la ruine imminente de Law. L’enthousiasme des communes, l’approbation