Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

troisième ordonna la démolition des temples, en substituant l’action ecclésiastique à celle des magistrats. En même temps la persécution redoubla de rigueur contre les Juifs, les hérétiques, et en particulier les donatistes, qui s’étaient réveillés au bruit de la mort du régent, comme si elle leur eût apporté la liberté. Augustin pria Olympius de bien faire sentir à ces sectaires que la liberté n’est que pour les catholiques : c’était une conséquence du principe d’unité. Les trois lois que je viens de citer furent les principales. Comme l’action et le but n’en étaient pas moins politiques que religieux, et se liaient d’ailleurs étroitement aux événemens qui devaient suivre, je m’arrêterai quelques instans sur chacune de ces lois, afin de bien montrer l’attitude et l’esprit du parti vainqueur au lendemain de la chute de Stilicon.

J’ai parlé précédemment[1] de la juridiction civile des évêques, de ce for ecclésiastique imprudemment introduit par Gratien et Théodose au sein de la société romaine ; les lois de Stilicon l’avaient réduit à un simple arbitrage, limité d’ailleurs dans son exercice à certaines matières de médiocre importance. La loi du 13 décembre lui rendit son ancien caractère de juridiction proprement dite, et l’aggrava encore en faisant cette juridiction sans appel et l’étendant à toutes ou presque toutes les matières civiles, ce qui mettait l’évêque au-dessus des gouverneurs de provinces et l’assimilait au préfet du prétoire. Un privilège si exorbitant ne causa pourtant pas dans le clergé une reconnaissance enthousiaste. Le clergé n’y voulut point voir un octroi du prince, mais la restitution d’un droit inhérent au caractère du prêtre. La justice vient de Dieu : or qui peut la mieux dispenser sur terre que les chefs du sacerdoce, qui lient et délient au ciel ? Saint Paul ne recommande-t-il pas aux fidèles de ne point porter leurs différends devant les tribunaux du siècle, mais de prendre pour juges des choses de cette vie les saints, qui jugent jusqu’aux anges, ou même les moindres personnes de l’église ? Aux raisons tirées de saint Paul, on pouvait répondre, sans cesser d’être chrétien, que la prescription de l’apôtre, bonne pour des associations restreintes, interdites, persécutées, dont le premier devoir était de veiller sur leurs membres et de les prémunir contre l’inimitié du siècle, ne s’appliquait point à une grande société organisée civilement, où la religion avait sa place, mais n’absorbait pas tout. Rien d’ailleurs n’était plus contraire à l’ordre politique romain que ce second état dans l’état, cette juridiction qui pouvait à un jour donné se séparer de l’empereur en l’excommuniant, tandis que, dans la théorie du gouvernement impérial, la loi était une émanation du

  1. Revue du 1er  juillet 1862.